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   Ces beaux yeux ſouverains qui trauerſẽt la terre,
Mieux que les yeux mortels ne trauerſent le verre,
Et qui n’ont rien de clos à leur iuſte courroux :
Entrent victorieux en ſon ame eſtonnee,
Comme dans vne place au pillage donnee.
Et luy font receuoir plus de morts que de coups.

   La mer a dans le ſein moins de vagues courantes,
Qu’il n’a dans le cerueau de formes differantes,
Et n’a rien toutesfois qui le mette en repos :
Car aux flots de la peur ſa nauire qui tremble
Ne trouue point de port, & touſiours il luy ſemble
Que des yeux de ſon Maiſtre il entend ce propos.

   Et bien, ou maintenant eſt ce braue langage ?
Ceſte roche de foy ? ceſt acier de courage ?
Qu’eſt le feu de ton zele au beſoin deuenu ?
Où ſont tant de ſermens qui iuroient vne fable ?
Comme tu fus menteur, ſuis ie pas veritable ?
Et que t’ay ie promis qui ne ſoit auenu ?

   Toutes les cruautez de ces mains qui m’attachent,
Le meſpris effronté que ces bouches me crachent,
Les preuues que ie fay de leur impieté,
Pleines egallement de fureur & d’ordure,
Ne me ſont vne pointe aux entrailles ſi dure,
Comme le ſouuenir de ta deſloyauté.