Page:Malherbe - Les Larmes de Saint-Pierre, 1596.pdf/4

Cette page a été validée par deux contributeurs.



STANCES.



MEſlons nos triſtes yeux auec ces larmes ſainctes,
Apprenõs leur comment on pleure vn grãd peché
Imitons ce diſciple aux deuotes complaintes,
Non au ſubiet du mal dont il eſtoit touché.
  Soyons remplis de foy, d’amour & de conſtãce,
Ne craignons point la mort qui ſon ame eſtõnoit :
Ne meſcognoiſſons point celuy qui nous cognoit
Capables de raiſon comme de cognoiſſance.
  Liſons ces chauds regrets, ou nous pourrons cognoiſtre
Les mots qui volontiers ſont ouys dans les cieux
Ces vers doux & puiſſants, ces vers qui nous font naiſtre
Des ſouſpirs à la bouche, & des larmes aux yeux.
  Larmes filles du cœur, fontaine ſalutaire,
Ou l’ame de ſon mal guerit en ſe mirant,
Dont l’exẽple en vn coup nous va plus ſecourant,
Qu’vn deluge eternel de nos pleurs ne peut faire.
  Ces vers enflez d’honneur ont des forces nouuelles
A qui le marbre dur ne pourroit reſiſter,
Et peuuent en vn iour vaincre plus d’infidelles,
Qu’vn ſiecle d’ans ne peut par armes ſurmonter.
  Chaſtions nos deſirs auec ces belles armes,
De nos iniquitez ſoyons touſiours vainqueurs,
Dedions à ces vers nos ames & nos cœurs,
Et pour parler à Dieu, ſeruons nous de ces larmes.

La Roqve.