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à n’en mentir point, une merveille si grande que je ne pense avoir jamais rien ouï de quoi je demeurasse plus étonné. Je n’ignorais pas combien le bien-faire est un doux exercice aux âmes généreuses, et savais bien qu’en la vôtre cette qualité se trouvait aussi admirable qu’en nulle autre. Mais étant de si longue main accoutumé de vivre parmi les épines, que je ne pouvais tenir une rose que pour un songe ou pour un prodige, si je vous estimais capable de faire une notable courtoisie, je ne le pensais nullement être de la recevoir. Toutefois ce même avis m’ayant été confirmé par une infinité de personnes d’honneur, qui se disaient y avoir été présents, il faut que je le tienne pour véritable, et que contre ma coutume je me lâche à quelque vanité. Tout ce qu’il y a de beaux esprits au monde savent combien l’aiguillon de la gloire a la pointure douce, et les Stoïques mêmes n’écrivent contre elle que pour l’acquérir. C’est pourquoi, si je me réjouis d’avoir été loué d’une bouche que toutes les bouches du monde confessent ne pouvoir assez louer, je ne pense rien faire qui ait besoin d’être justifié. Tout ce qui me travaille et qui me trouble, c’est l’envie que j’avais de trouver des paroles de reconnaissance qui fussent aucunement proportionnées à l’obligation. Mais puisque ce m’est chose si difficile, et que d’ailleurs la dissimulation de ce qui s’est passé en un lieu si célèbre ne me peut être que malhonnête et mal assurée, je me résoudrai pour le meilleur expédient de recourir à votre même bonté, qui n’ayant point usé de sa courtoisie selon la petitesse de mon mérite, n’en exigera point aussi le remerciement selon la grandeur du bienfait. J’ai toujours tenu ma servitude une offrande si contemptible, qu’à quelque autel que je la porte, ce n’est jamais qu’avec honte, et d’une main tremblante. Vous pouvez estimer, Monsieur, ce que je dois faire en votre endroit, et en cette occasion. Telle