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LIVRE VI. CHAPITRE XXXVIII. 209 monde ne vaut pas mieux. Ou pensez-vous que tendent Arruntius, Atérius, et tous ces autres qui font métier comme eux de crocheter les testaments, sinon à cela même que se proposent les fossoyeurs, désignateurs et libitinaires1 ? Encore ceux-ci desirent la mort aux person- nes sans savoir à qui, et ne perdent rien à leur vie ; mais les autres demandent la fin de leurs meilleurs amis, et si celui qu’ils chevalent2 ne meurt bientôt, il les épuise , parce que toujours il leur coûte quelque chose. Aussi ne desirent-ils pas seulement sa mort pour avoir ce que par leur déshonnête servitude ils pensent avoir mérité, mais aussi pour se décharger de la dépense que journellement ils font pour entretenir son amitié. Il ne faut donc point douter que perdant en la vie de ceux dont la mort leur est profitable, leur vœu ne soit plus violent que celui de ces pauvres gens. Et cependant leur mauvaise volonté connue à tout le monde ne reçoit point de punition. En- fin retirons-nous tous au cabinet de la conscience, et nous représentons les choses que nous avons souhaitées dans l’âme, combien trouverons-nous de vœux que nous au- rons honte de nous confesser à nous-mêmes, et combien peu que nous voulussions avoir faits en la présence d’un témoin ! XXXIX. Mais il est des choses répréhensibles , qui pourtant ne sont pas condemnables3 ; comme est le vœu de cet ami qui cherche une mauvaise preuve de sa bonne affection, et tombe au vice qu’il se propose d’éviter, deve- nant ingrat par cette impatience précipitée de faire pa- roître qu’il ne l’est point. Voici ce qu’il dit : « Que je le voie 1. Désignatores, libilinarii, les directeurs et entrepreneurs de fu- nérailles. 2. Chevaler , presser vivement quelqu’un pour obtenir quelque chose. Nicot traduit le mot par le verbe latin captare. 3. Dans l’édition de 1631 : « condamnables. «  MALHERBE. II 14