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et la propriété. Cependant, la nécessité pour le gouvernement de se gagner la complicité d’une classe puissante, les exigences de la production, l’impossibilité dans laquelle il se trouve de pouvoir tout surveiller et tout diriger, tout cela a toujours rétabli la propriété privée, la division des deux pouvoirs, et par-là même, la dépendance effective de ceux qui ont en main la force, les gouvernements, envers ceux qui ont en main les sources mêmes de la force, les propriétaires. Le gouvernant finit toujours, fatalement, par être le gendarme au service du propriétaire.

Ce phénomène n’a jamais été aussi accentué qu’à l’époque moderne. Grâce au développement de la production, à l’extension énorme des affaires, à la puissance démesurée que l’argent a acquis, et à toutes les données économiques qu’ont apporté la découverte de l’Amérique, l’invention des machines, etc., la classe capitaliste s’est assurée une telle suprématie qu’elle ne s’est plus contentée de disposer de l’appui du gouvernement : elle a voulu que le gouvernement soit issu d’elle-même. Un gouvernement qui tirait son origine du droit de conquête (droit divin, comme disaient les rois et leurs prêtres) était bien soumis par les circonstances à la classe capitaliste, mais il gardait toujours une attitude hautaine et méprisante envers ses anciens esclaves désormais enrichis, et il montrait des velléités d’indépendance et de domination. Un tel gouvernement était bien le défenseur des propriétaires, le gendarme à leur service, mais il était de ces gendarmes qui se croient quelqu’un et qui se montrent brutaux envers ceux qu’ils sont chargés d’escorter et de défendre, quand ils ne les dévalisent ou ne les massacrent pas au détour du chemin. La classe capitaliste s’en est débarrassée et s’en débarrasse par des moyens plus ou moins violents pour le remplacer par un gouvernement choisi par elle, composé de membres de sa classe, continuellement sous son contrôle et spécialement organisé pour la défendre contre les revendications possibles des déshérités.

C’est de là que vient le système parlementaire moderne.

Le gouvernement est, aujourd’hui, composé de propriétaires et de gens à la dévotion des propriétaires ; il est tout entier à la disposition des propriétaires, à tel point que les plus riches dédaignent souvent d’en faire partie : Rothschild n’a pas besoin d’être député ou ministre, il lui suffit de tenir députés et ministres sous sa dépendance.

Dans beaucoup de pays, le prolétariat participe plus ou moins a l’élection du gouvernement, mais il y participe d’une façon purement formelle. C’est une concession que la bourgeoisie a fait pour utiliser le concours du peuple dans sa lutte contre le pouvoir royal et l’aristocratie, et aussi pour détourner le peuple de penser à s’émanciper : elle lui donne une souveraineté apparente. Que la bourgeoisie l’ait ou non prévu quand elle a concédé pour la première fois au peuple le droit de vote, il n’en est pas moins certain que ce droit de vote s’est révélé parfaitement dérisoire et tout juste bon à consolider le pouvoir de la bourgeoisie