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hommes de Port-Royal ne furent que des traducteurs qui ne parurent originaux que parce qu’ils traduisirent leurs vols.

Au reste, toutes les méthodes de Port-Royal sont faites contre la méthode. Les commençants ne les lisent pas encore, et les hommes avancés ne les lisent plus. La première chose qu’on oublie dans l’étude d’une langue, c’est la grammaire. J’en atteste tout homme instruit qui n’est pas un professeur ; et si l’on veut savoir ce que valent ces livres, il suffit de rappeler qu’un des grands hellénistes que possède aujourd’hui l’Allemagne vient de nous assurer qu’on n’a point encore jeté les fondements d’une véritable grammaire grecque[1].

Les jésuites, sans négliger les livres élémentaires qu’ils composèrent en très-grand nombre, firent mieux cependant que des grammaires et des dictionnaires ; ils composèrent eux-mêmes des livres classiques dignes d’occuper les grammairiens. Quels ouvrages de latinité moderne peut-on opposer à ceux de Vanière, de Rapin, de Commire, de Sanadon, de Desbillons, etc. Lucrèce, si l’on excepte les morceaux d’inspiration, ne tient pas, tant pour l’élégance que pour la difficulté vaincue, devant l’Arc-en-ciel de Nocetti et les Éclipses de Boscovich.

La main d’un jésuite destina jadis un distique au fronton du Louvre[2]. Un autre jésuite en écrivit un pour le buste de Louis XVI, élevé dans le Jardin du Roi, au milieu des plantes[3].

  1. Multopere falluntur, parumque quo in statu sit græcæ linguæ cognitio intelligunt, qui vel fundamenta esse jacta græcæ grammaticæ credunt. (Goth. Hermani de Ellipsi et Pleonasmo in græcâ linguâ. In Musæo Berol. vol. I. fasc. 1. 1808, in-8o pag. 234 et 235.) — Nous voilà certes fort avancés ! heureusement les choses iront comme elles sont allées, nous apprendrons toujours à apprendre dans les grammaires ; nous apprendrons toujours en conversant avec les auteurs classiques, et nous entendrons Homère et Platon, non pas mieux que nos devanciers, mais tout aussi bien que nos successeurs.
  2. Non orbis gentem, non urbem gens habet ulla,
    Urbsve domum, Dominum non domus ulla parem.

  3. Vitales inter succos, herbasque salubres
    Quam bene stat populi vita salusque sui !

    J’ignore si ces belles inscriptions subsistent ; j’ignore même si jamais elles ont été employées. Elles sont assez belles pour avoir été négligées.