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chap. 5e.
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desséchement des marais.

stagni), dont la superficie était de près de 2,000 hectares et qui est situé à environ 12, 000 mètres de la ville de Narbonne et 1200 du canal du Midi. Par suite de mesures prises relativement à ce beau canal et au desséchement de cet étang qui était d’une grande insalubrité, on dérive à volonté les eaux de l’Aude, lorsque ses crues lui font charrier des troubles considérables et rendraient l’approche de cette rivière dangereuse pour le canal, et on introduit alors les eaux de l’Aude dans l’étang de Capestang, avec des moyens combinés de manière à effectuer le plus efficacement possible le dépôt des troubles que charrie cette rivière dans ses crues.

Nous citerons, dans le prolongement de la même ligne navigable, l’attérissement progressif de l’étang de Mauguio, autrefois traversé par le canal des Etangs qu’on en a séparé, et qui s’attérit par le dépôt des eaux du Vidourle ; cette rivière torrentielle, lors de ses crues, charrie et dépose dans cet étang les troubles qu’elle reçoit dans son cours à partir des montagnes des Cevennes, et le comble ainsi progressivement. — Nous citerons encore les beaux attérissemens qui se font par des moyens analogues et des colmates, à l’embouchure du canal de Beaucaire à Aigues-Mortes, ancien port où s’embarqua saint Louis pour la Terre-Sainte, et maintenant séparé de la mer par un espace de 12,000 mètres d’attérissemens déposés par les torrens dont les crues se dirigent sur ce point.

Nous devons citer pour exemple de dessèchement par un moyen opposé, par celui de l’écoulement, l’étang de Marseillette dont la superficie était de plus de 2,000 hectares, et qui, entièrement assaini maintenant, voit prospérer dix-huit fermes ou métairies sur son sol autrefois entièrement sous l’eau[1]. Nous pourrions citer de nombreux exemples de ce genre, pratiqués en France depuis l’édit d’Henri IV et les mesures prises par ce bon roi pour les desséchemens ; mais, comme ce qu’il y a de plus important ici est d’exposer les systèmes ou moyens reconnus les plus avantageux, nous allons en donner les principales idées.

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§ ii. — Desséchement par un système de canaux.

Pour les desséchemens des grands marais qui se trouvent généralement dans des vallées ayant peu de pente, où affluent des rivières, des torrens et des ruisseaux qui n’ont pas de lit, ou qui en ont d’insuffisans pour le débit de leurs eaux, le problème à résoudre consiste à ouvrir un canal principal et des canaux secondaires qui soient capables d’écouler les plus grandes eaux, et de les maintenir au-dessous des terrains les plus bas à dessécher.

Ce problème peut avoir un grand nombre de solutions : la meilleure est celle qui atteint le but désiré avec la moindre dépense possible, et qui lègue à l’avenir des ouvrages stables et d’un entretien peu dispendieux.

Pour arriver à ces résultats, il faut commencer par reconnaître, niveler et jauger les différens cours d’eau dans toutes les saisons de l’année ; il faut en étudier avec soin le régime, examiner les surfaces inondées et la nature du sol, et dresser un plan général de nivellement et de sondes de tout l’ensemble des marais. Cela fait, il faut s’occuper d’écouler les affluens principaux en les isolant autant que possible des eaux locales, et en débouchant celles-ci dans les premières le plus en aval possible, ou assez loin pour que les accrues ou remous ne se fassent pas sentir jusque sur les parties basses à assainir. C’est par le même motif que l’on a éloigné, à Lyon, l’embouchure de la Saône dans le Rhône, à Grenoble, l’embouchure du Drac dans l’Isère, et à Avignon, l’embouchure de la Durance dans le Rhône.

On doit diriger les canaux des affluens le plus directement que faire se peut, vers le débouché général des marais, et éloigner ces affluens des parties basses pour les établir au contraire sur les faîtes ou parties hautes. Par ces dispositions importantes, les canaux principaux ont une pente plus forte et mieux soutenue, les eaux ont plus de vitesse et moins de section, les déblais sont diminués et rendus plus faciles : on se crée la faculté de pouvoir le plus souvent établir des prises d’eau pour des usines, des arrosages, et des chasses sur les canaux secondaires ; l’on évite enfin les changemens trop brusques de pente où il se forme des attérissemens qui exigent des curages difficiles et continuels.

L’idée qui se présente d’abord d’ouvrir un canal principal à travers les parties les plus basses des marais à dessécher, est donc généralement la plus mauvaise, puisqu’elle aurait pour résultat de porter sur ces parties basses des eaux étrangères qu’il faut au contraire en éloigner, et que l’on ne pourrait ensuite évacuer convenablement qu’en donnant au canal, ayant alors naturellement peu de pente, une grande section très-profonde, et en baissant considérablement le seuil du débouché des marais ; ce qui amènerait des difficultés immenses en pure perte, puisqu’on peut les éviter en se pénétrant bien de l’idée principale, que nous avons exprimée ci-dessus, qui est d’isoler autant que possible des marais les eaux affluentes qui les inondent. Cette idée capitale, qui n’a pas malheureusement toujours été mise en pratique, a été très-bien sentie en 1642 par Jean de Van-Ens, Hollandais, conseiller de Louis XIII, et auteur du dessèchement des marais d’Arles. Il a conduit, à travers les marais, jusqu’à l’étang du Galéjon, communiquant avec la mer, le cours d’eau considérable appelé Vigueirat, débitant environ 25 mètres cubes d’eau par seconde dans le Crau, et a créé à cet effet un grand canal en remblai de 39,000 mètres de longueur, ayant 0m 10 de pente par 1,000 mètres ; il a fait passer sous ce canal, de la rive droite à la rive gauche, par des aqueducs à syphon appelés nocs en hollandais, et bottes en italien, différens

  1. On peut consulter, pour de plus amples détails sur les desséchemens qu’on vient de citer, ce qui est dit dans notre ouvrage sur les canaux navigables, publié en 1822, in-4o de 600 pages, accompagné d’un atlas, chez Mme Huzard.