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été mettre fin à mon supplice. Mais, que sais-je ? Entre mes deux existences je ne vois qu’un trou noir… des ténèbres… une nuit… Et puis je me suis réveillé… tel que je suis.

— Mais, quand ? Comment ? Dites !

— Faut-il vous faire le récit de mes tortures ? Il ne peut apporter aucune clarté… Pourtant, j’ai besoin qu’on me plaigne… Et vous me plaindrez, Violette. Écoutez donc ce récit effroyable et dites si jamais damné pourrait souffrir autant que j’ai souffert.

Et, tantôt sourde, tantôt déchirante, sans que la jeune fille répondit autrement que par des frissons d’horreur et d’épouvante, la voix parla.


X

LE RÉCIT DU GORILLE


Mes derniers souvenirs d’homme, dit le gorille, datent de ce soir où je vous ai quittée. Je m’étais fait conduire en auto à Fontenay, à cette adresse où je devais trouver le mouchard qui me renseignait.

« Mon taxi s’arrêta devant une grille. À tout hasard, je priai le chauffeur de m’attendre et, comme personne ne répondait à mon coup de cloche, m’avisant que la grille était entr’ouverte, j’entrai.

« Il devait être près de minuit : il n’y avait point de lune, mais seulement quelques étoiles. La nuit était donc très obscure. Je distinguai, non sans peine, la silhouette d’une villa ; elle semblait complètement déserte et fermée ; aucune lumière ne s’y voyait. Je pensai que mon individu n’était point encore arrivé et je résolus de l’attendre.

« À droite de la villa, il y avait un bouquet d’arbres, une sorte de berceau. En tâtonnant, je découvris un banc et je m’assis. De là, il m’était facile de surveiller le perron et, par conséquent, l’arrivée de celui que j’attendais.

« Peu à peu le sommeil dut me gagner, car mes souvenirs s’embrument tout à coup et