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mes contre ce dernier, dont je pourrais annihiler les perfidies, bref, le salut de votre père. Pour cela, je dois feindre un voyage. Car tout se passera à l’insu de M. Sarmange. Il sera sauvé sans même se douter qu’un danger était suspendu sur sa tête. Ce soir, j’ai rendez-vous avec l’homme. Voilà pourquoi je pars. Dites que ce n’est pas mon devoir.

— C’est votre devoir. Merci, Roland !

Il y eut un silence. Tous deux se réveillèrent. Violette murmura :

— Roland !… Roland !…

Il fallait croire. Il fallait croire qu’un mystère effrayant enveloppait cette existence, qu’une invraisemblable transformation avait eu lieu, qu’il y avait bien, tout proche d’elle, la pensée de Roland — l’âme de Roland.

Il fallait croire. Elle venait de l’entendre se souvenir. Mais, cela pouvait-il se concevoir sans qu’elle devînt folle ?

— Je crois. Mais, que dois-je croire ? Cela peut-il être ?

— Cela est. Songez à mon supplice.

— Qu’est-il arrivé ?… Dites-moi !… Oh ! tâchez de me faire comprendre…

— Comprendre ! s’écria amèrement le gorille. Comprendre, quand moi je ne peux pas ! je ne sais pas !…

Inerte, affaissée dans le fauteuil, paralysée par la défense qui lui était faite de tourner la tête et aussi par l’angoisse de la vision qu’elle rencontrerait quand elle se retournerait, Violette s’efforçait douloureusement de rassembler sa pensée éparse et de fixer le mystère.

Mais il dépassait ce que peut concevoir l’esprit humain, il était « l’inimaginable ».

Faisant effort pour parler, elle dit au monstre — à ce monstre qui se souvenait d’avoir été Roland :

— Tâchez de vous rappeler… Depuis l’instant où vous m’avez quittée, que s’est-il passé ? Comment le… le cauchemar… le mystère a-t-il commencé ?

— Oh ! gémit le gorille, je me suis bien souvent posé cette question. La résoudre eût