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nonçaient le nom pour mieux évoquer l’être.

Et soudain, derrière elle, une voix répondit :

— Violette !…

Mais cette voix était atroce à entendre. Tout ce qu’elle exprimait peut-être, amour, désespoir, prière, se voilait se faussait dans l’horrible râclement des syllabes ; elle était la pensée humaine broyée, défigurée, parce que, pour surgir, elle devait emprunter le cri d’une bête. Et à cause de cela elle faisait frissonner.

Ce cri, ces syllabes rauques et rudes, violentes et gémissantes, la jeune fille les avait déjà entendues une fois au cours de la soirée.

Elle frémit d’horreur.

En même temps, derrière et au-dessus de la photographie, la glace lui révélait une effroyable silhouette, celle d’un monstre gigantesque, à la face hirsute et grimaçante, et qui portait des habits d’hommes. Lui aussi, Violette, pâle et muette d’effroi, le reconnaissait.

Le gorille venait de sortir de sa cachette.

Il se tenait à trois pas d’elle. Le nom qu’elle avait prononcé l’avait attiré invinciblement. Nulle prudence, nul raisonnement, nul plan arrêté d’avance ne subsistaient plus en lui. Mais la vue du visage terrifié, la vue du cri — oui, la vue, car il ne l’avait point entendu et elle ne l’avait point poussé, mais il le vit réellement monter de sa gorge palpitante et mourir sur les lèvres grises, d’où toute vie semblait s’être brusquement retirée — toutes ces marques d’une terreur subite et folle avaient brisé son élan. Maintenant, il n’osait plus avancer, car il comprenait, il devinait que son apparition effrayait au-delà des forces humaines. Et lui aussi trembla.

Il était arrêté, mais, dans la glace, Violette le voyait et cela suffisait pour qu’elle mourût d’épouvante.

Le gorille recula encore, disparut de la glace.

La jeune fille était demeurée immobile, in-