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s’empressaient d’emmener les deux femmes frémissantes.

Aux issues, la foule s’écrasait, prise de panique.

Le docteur Silence entraîna le professeur Fringue.


IX

L’ÂME DE ROLAND


Le boulevard de Courcelles n’offrait qu’une perspective déserte.

Un promeneur le suivait. Il allait d’un pas silencieux et rapide, le visage enfoui dans le collet relevé de son manteau, son chapeau de soie incliné sur les yeux ; il tenait ses mains enfoncées dans les poches du macfarlane et, de la droite, sa canne sortait, dressée contre l’épaule à la façon d’une épée.

C’était maintenant la solitude complète et le silence.

Pourtant, derrière lui, d’arbre en arbre, une silhouette se glissait, celle d’un rôdeur. Étendu sur un banc, il avait vu venir le noctambule et, alléché par le chapeau, les souliers vernis et la tache blanche d’un plastron entrevu au passage, dans l’entre-bâillement du macfarlane, il avait pris la chasse, supputant le butin probable pour se donner du courage.

Il lui en fallait, car la stature du promeneur était imposante et la carrure de ses épaules pouvait donner à réfléchir. Mais les poches de l’apache étaient vides. Puis, il comptait sur la surprise et sur son couteau affilé.

L’endroit était désert, le noctambule nullement sur ses gardes. Le chevalier du couteau bondit sa lame au poing.

— Ton pognon ou je te crève ! rugit-il.

Un bras gigantesque sortit brusquement du macfarlane, des ongles acérés s’enfoncèrent dans le poignet du rôdeur qui poussa un cri de douleur et lâcha le couteau.