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— C’est bien lui ! confirmait la tête du docteur Clodomir, en s’agitant de haut en bas.

— Remarquez les transformations déjà subies par le corps, dont le cerveau a violenté les habitudes. La taille s’est redressée ; le port de tête n’est plus le même ; les articulations des genoux se sont disloquées pour permettre les attitudes nouvelles. La flamme du regard, reflet d’une activité intellectuelle, a suffi pour enlever à la face son caractère de bestialité. Une loi s’impose, mon petit Silence : l’influence cérébrale domine l’être et détermine son caractère physique. La forme n’est qu’une adaptation de la matière selon le vœu du cerveau. Cette adaptation commença au début des espèces ; elle est devenue spontanée et parfaite dès la naissance par suite des lois ataviques ; mais elle doit être lentement modifiable et nous le prouverons par une suite raisonnée d’expériences à laquelle celle-ci servira de point de départ.

Un grognement satisfait du docteur Silence témoigna qu’il goûtait la saveur de ces déductions.

— Une chose m’intrigue, reprit le professeur, suivant toujours des yeux les évolutions du gorille. Pourquoi cette bête… cet être, a-t-il préféré ce misérable état d’histrion au rôle glorieux que nous lui réservions ? S’exhiber en public me semble infiniment plus dégradant que satisfaire aux curiosités scientifiques de deux savants. Si son égoïste amour de l’indépendance devait l’amener sur ces planches, je conçois mal qu’il ait prétendu demeurer le maître de sa destinée.

Il dirigea sa jumelle sur la face du gorille et l’observa avec une profonde attention.

— Eh ! mais, docteur Clodomir, s’exclama-t-il involontairement, en voici bien d’une autre !… On dirait… Oui, ma foi, on dirait…

Ici, le coude de son compagnon, entrant brusquement en contact avec ses côtes, le