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d’or en faisaient une silhouette frêle et tragique, qui détonnait dans ce milieu, rempli de couleurs, de lumières, de rire et de joie.

Près d’elle, la placide Mme Sarmange s’éventait lentement, d’un petit mouvement rythmique et machinal ; derrière elle, d’une importance olympienne de banquier heureux, étalant son ventre aussi large qu’un coffre-fort, Flavien Sarmange causait avec Pasquale Borsetti, toujours sémillant et enveloppant Violette Sarmange, les yeux encore rougis par les larmes ! la bouche encore crispée de sanglots !

Que des prières — un ordre aussi, peut-être — il avait dû falloir pour l’amener là !

L’idée venait de Pasquale Borsetti. C’était lui, d’ailleurs, qui offrait l’avant-scène. Il avait aisément convaincu M. Sarmange de la nécessité d’imposer à sa fille quelques menues distractions.

En la circonstance, Pasquale Borsetti s’était vraiment montré serviable et plein de tact. Il s’était chargé de toutes les démarches nécessitées par l’internement de Roland et s’était occupé de régler les affaires du malheureux avec un zèle des plus louables.

Il avait beaucoup aidé le banquier, péniblement impressionné par l’événement, à surmonter cette crise morale. Mais, ce qui avait surtout touché M. Sarmange, c’est qu’à aucun moment le Corse ne s’était mis en posture de prétendant, rendu à l’espoir par la disparition définitive d’un rival. Très discrètement, il avait évité toute allusion à ses vœux antérieurs et aux possibilités que réservait l’avenir.

Ceci conduisit naturellement M. Sarmange à y songer pour lui. Il se fût révolté si Pasquale Borsetti en eût parlé le premier ; mais, en présence d’une réserve si louable, il envisagea l’éventualité de faire un jour — plus tard, beaucoup plus tard, quand la pauvre Violette serait consolée — un gendre de son associé.