Page:Magog - L'homme qui devint gorille, publié dans l'Écho d'Alger du 18 nov au 27 déc 1925.djvu/67

Cette page a été validée par deux contributeurs.

faussait leurs doctes théories, ou nourrissant la secrète ambition d’expliquer l’énigme vivante. C’est ainsi que les boucles brunes et blondes des babies joufflus et turbulents voisinaient avec les crânes dénudés ou les solennelles perruques blanches d’un bataillon de vieux messieurs, en rupture d’institut, de faculté ou de laboratoire.

Et dès que le rideau se levait, mettant fin aux juvéniles trépignements qui réclamaient « master Charly », tous les yeux, ornés ou non de lunettes ou de binocles, se rivaient sur la scène, stupéfaits par l’extraordinaire apparition.

Un soir, parmi d’autres redingotes inélégantes, mais sentant leur savant à plein nez, également fourvoyés en ce lieu frivole, on remarquait un jeune homme, grave et taciturne, près d’un vieillard exubérant et inquiet : le professeur Fringue et le docteur Silence.

Quel bouleversement titanique, quelle invraisemblable catastrophe les avait détachés de leur laboratoire — leur alvéole naturelle — pour les transporter là ? Quelle mystérieuse attraction avait pu les arracher à leurs travaux et les décider à se mêler aux joies profanes ?

Inattentifs aux vains bruits du monde, les deux prêtres du Scalpel lisaient peu les journaux, à peine, de temps à autre, y jetaient-ils un regard distrait et dédaigneux. Particulièrement, la rubrique des spectacles et concerts leur demeurait étrangère et comme tout ce qui ressemblait à une chronique faisait fuir leurs yeux, sceptiques à l’endroit des documentations journalistiques, il paraissait presque certain que la gloire du gorille passerait ignorée d’eux.