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meuraient obscures.

L’intrus s’avança jusqu’à l’espace éclairé, jeta à droite et à gauche un regard rapide et, pivotant vers l’une des portes, s’y encadra silencieusement.

La pièce qu’il apercevait servait évidemment de laboratoire ou de salle d’opération : sur des tablettes s’étalaient des instruments de chirurgie, tout un attirail à donner le frisson. La clarté crue qui tombait des ampoules électriques faisait luire sinistrement l’acier des scalpels, les lames dentelées des scies ou les branches bizarrement tordues des ciseaux et des pinces, de toutes grandeurs et de toutes formes.

En somme l’aspect était celui d’une chambre de torture, mais de torture bien moderne, avec tous les raffinements qui lui permettaient de se réclamer de la science.

Contre une des parois, sur des tréteaux des planches supportaient d’étranges paquets que recouvraient des linges ensanglantés.

La cape frissonna légèrement. Sous ses replis, l’homme devait trembler.

Devant lui, occupés à une besogne qu’il ne pouvait voir parce qu’ils tournaient le dos, deux hommes, perdus dans de longues blouses grises, les crânes semblablement coiffés d’une calotte de toile, penchés au-dessus d’une table de dissection, complétaient le tableau.

Si doucement qu’eût marché l’intrus, il devait avoir été entendu, car, d’un même mouvement, les deux hommes se redressèrent et se retournèrent.

Ils portaient des tabliers blancs tachés de sang, et sur leurs bras nus leurs manches étaient haut retroussées à la façon des bouchers.

L’un était jeune ; c’était celui que l’intrus avait entrevu à travers le judas.

L’autre avait un visage austère de savant, des yeux de rêveur sous un vaste front, au masque énergique et soigneusement rasé, encadré de cheveux blancs, longs et soyeux.

Une même expression de colère indignée