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épatantes ! murmura-t-il. Avec son intelligence, qu’est-ce qu’il ne réussirait pas ?

Il semblait chercher ou creuser une idée encore confuse. Soudain, il se dirigea vers un coin de la chambre, encombré de caisses et d’accessoires de théâtre. Il en tira un tableau noir qu’il planta sur un chevalet.

Puis, un morceau de craie entre les doigts, il alla secouer le gorille.

— Regarde un peu ça, Poil-aux-pattes. Si tu pouvais attraper le truc, qu’elle épate !

Il s’approcha du tableau et, péniblement, écrivit en gros caractères :

— Je suis le merveilleux gorille !

Retourné vers le singe, il l’invita de l’œil et du geste à admirer et à imiter.

— Tu as vu ? C’est pas mariolle. Tiens voir ça entre tes doigts. Je te conduirai la main.

Mais le gorille, au lieu de se prêter docilement à la tentative, parut soudain en proie à un émoi extraordinaire.

Et il lui remit le morceau de craie.

Il considérait alternativement le tableau et le morceau de craie et semblait indécis. Sa main tremblait violemment.

— Allons !… Allons !… encourageait Godolphin, de son ton le plus insinuant. Quand je te dis que c’est pas sorcier !

Il tenter de capter la main de l’animal et de l’approcher du tableau.

Tout à coup, le gorille la dégagea d’une secousse et approcha délibérément le morceau de craie de la surface noire.

— Tout seul ? s’exclama Godolphin, un peu estomaqué. À ton aise ! Vas-y, vieux frangin.

Alors, sous le modèle du saltimbanque, le gorille traça, d’une écriture énergique et nette :

« Je suis un homme. »