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Comme s’il eût compris, le gorille prit doucement la main du bateleur et la pressa un peu.

— Il n’y a pas à dire ! conclut Godolphin. C’est un numéro… À présent, les enfants, il s’agirait de travailler. Cette jeune personne que tu vois, master Charly, va jouer une comédie avec toi, une pantomime si tu aimes mieux. Tâche de te fourrer ton rôle dans la caboche. Je vais te montrer.

— Vous lui dites ça ! fit l’actrice. Tout de même, il ne vous comprend pas.

— Parlez toujours, dit le saltimbanque. Vous verrez bien… Allons-y !

Il se leva, ainsi que l’actrice, et tous deux mimèrent une scène relativement simple, mais qui, de la part d’un singe, devait demander des études et des efforts considérables.

Or, à peine Godolphin s’était-il assis, en disant à son élève : « À ton tour ! » que le gorille, abandonnant son cigare, se mit en devoir de répéter les mimiques du bateleur. À peine eût-il deux ou trois hésitations qu’un mot suffisait à faire cesser.

— Passe à droite… Offre ton bras… disait Godolphin.

Et le gorille rectifiait.

L’actrice n’en pouvait croire ses yeux.

— Avouez que vous avez déjà répété avec lui, dit-elle en prenant congé.

— Ma parole !… prononça solennellement le manager.

— Enfin !… Ce sera un succès ; car il est épatant votre phénomène. À demain soir, monsieur Godolphin.

— À demain soir, mam’zelle Bertha.

L’homme et le gorille demeurèrent seuls.

Ce dernier avait repris son cigare et fumait, perdu dans une rêverie mélancolique.

Godolphin le considéra, debout, en face de lui.

— On pourrait faire des choses épatantes…