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— Un fou !… C’est un fou !…

Elle pâlit, serra plus fort le bras de Roland et l’entraîna.

— Venez, mère. Emmenons-le.

Docile et inconscient, le jeune homme obéit à la pression des bras qui le tiraient. Il s’avança entre les deux femmes.

Sa démarche, aussi, présentait un caractère de bizarrerie extraordinaire. Ce n’était plus l’allure souple et dégagée d’un élégant sportsman. Roland marchait d’un pas traînant, les jambes fléchissantes, les mains ballantes au bout des bras, comme si elles voulaient balayer le sol ; le dos rond, le buste exagérément projeté en avant, il se balançait, un peu à la façon des ivrognes et imprimait a sa tête, enfoncée dans les épaules, un perpétuel mouvement de va-et-vient pour jeter à droite et à gauche des regards défiants.

Au moment de franchir la sortie, il grogna de nouveau d’une façon inintelligible, quand l’employé lui réclama son billet.

Heureusement, Violette, à ce moment, aperçut le ticket passe dans la ganse du chapeau de Roland. Elle le prit elle-même et le remit à l’employé, qui suivit des yeux le trio, en hochant la tête.

En bordure du trottoir, l’auto attendait. Amené devant la portière ouverte, Roland parut sortir de son apathie. Il s’arracha presque brutalement à l’étreinte des deux femmes et s’élançant d’un bond dans l’intérieur, il s’accroupit sur la banquette, rencogné dans un angle.

Interdites, les deux femmes montèrent et s’assirent en face, instinctivement serrées l’une contre l’autre.

— À la maison, le plus vite possible, ordonna Violette au chauffeur, qui refermait la portière en jetant un regard ahuri sur l’étrange scène.