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L’homme sonna.

On entendit l’aboiement d’un chien, auquel répondirent d’autres aboiements plus éloignés ; puis, un pas retentit sous la voûte ; il y eut des bruits de clés tournées et de fermeture et la porte s’ouvrit enfin.

Une brute épaisse et colossale, portant un tablier bleu et balançant le trousseau de clés, insigne de ses fonctions, parut dans l’entrebâillement. Sa tête minuscule contrastait avec son corps énorme.

Son regard, naturellement soupçonneux — car une intelligence obtuse et rudimentaire ne lui permettait pas le travail de réflexion que suppose la défiance — se fixa sur le visiteur. Mais, il n’en put apercevoir qu’une forme vague et impersonnelle : une sorte de cloche sombre, formée par la cape, et surmontée du sombrero ; dans l’intervalle du col et du chapeau, on distinguait une cravate engonçant le cou et absorbant par surcroît la presque totalité du menton, un nez noyé d’ombre, de larges lunettes noires et des cheveux emmêlés retombant sur les lunettes.

Il y avait aussi une bouche, qu’on ne voyait point, tellement elle se retranchait derrière la cravate, mais que le concierge entendit, car elle prononça :

— L’Institut Fringue ?

— C’est ici grommela le microcéphale d’un air bourru. Mais, on n’est reçu que le matin et il faut faire une demande écrite.

— Je sais. Le professeur est là ?

— Non.

La brute mentait mal. D’ailleurs, toute son attention se concentrait sur le pied que le visiteur avait indiscrètement glissé dans l’entre-bâillement et qui empêchait de refermer la porte.

Il ajouta aussitôt, en faisant mine de repousser l’intrus :

— On ne reçoit pas.

— Si !…

Une main persuasive se faufila hors de la cape et glissa dans celle du concierge une pièce d’or que le cerbère considéra avec au-