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de bagues, en fixant Sarmange de ses yeux à demi voilés par les cils.

— Bonjour… Quelles nouvelles ?

Aucun accent dans sa voix. C’était seulement quand il ne se surveillait pas, ou sous l’empire de quelque sentiment violent, explosant brusquement, que les intonations italiennes se retrouveraient sur ses lèvres.

L’air maussade, le banquier serra mollement les doigts tendus et s’affaira dans la lecture du courrier, en jetant d’une voix brève :

— Mauvaises, mon cher, très mauvaises.

Il s’était décidé, en venant, à brusquer l’explication, à l’avaler comme une médecine amère et à savoir tout de suite ce qui en résulterait.

Mais, tandis qu’il absorbait dans une feinte attention, courbant la tête sur les paperasses du bureau pour dérober l’altération de ses traits, le cœur lui battait à grands coups.

— Mauvaises ? répéta Pasquale Borsetti, d’une voix tranquille. Alors, je suis condamné sans appel ?

Fébriles, les doigts du banquier déchirèrent et froissèrent des enveloppes.

— Que voulez-vous ! dit-il, sans relever la tête. Ma fille était pour ainsi dire fiancée depuis l’enfance à mon ancien pupille Roland Missandier. Moi, je n’attachais point d’importance à ce roman ; mais il paraît que c’était sérieux. Elle s’obstine… Il ajouta, dans un effort de gorge qui fit remonter sa pomme d’Adam ; les fiançailles seront officielles ce soir.

Il y eut un petit silence. Le cœur de Flavien Sarmange comptait les secondes.

— Je regrette, dit enfin Borsetti.

— Moi aussi, croyez-le bien… Vous m’étiez très sympathique. Mais que voulez-vous ?

Il releva la tête et se décida à regarder son associé en répétant :

— Que voulez-vous ?