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que n’avait fait que se consolider et l’associé ne pouvait avoir aucun sujet d’inquiétude. Mais le refus de Violette risquait de changer tout cela.

Était-ce seulement une coïncidence, cette demande en mariage présentée à la veille du jour où le contrat devait être renouvelé ? N’y avait-il point eu calcul de la part de Pasquale Borsetti, et même calcul remontant aux premiers pourparlers relatifs à l’association ?

Le banquier ne pouvait s’empêcher de juger cette hypothèse vraisemblable et cela le faisait trembler.

Repoussé, Pasquale se vengerait en retirant ses millions et ce serait, pour la banque Sarmange, le brutal effondrement.

Il se leva. L’heure de se rendre à la banque était sonnée depuis un bon moment et son associé devait l’attendre.

Bien que cela ne lui sourît guère, il ne pouvait éviter de le rencontrer et de lui donner la réponse promise.

Rageusement, il sonna le domestique.

— L’auto, tout de suite.

Les bureaux du banquier étaient installés rue Vivienne.

Arrivé le premier, Pasquale Borsetti, étendu dans un des fauteuils du cabinet, avec une nonchalance toute méridionale, lisait les journaux du jour.

Petit et nerveux, le Corse avait la maigreur des chèvres de son pays ; il en avait aussi la vivacité de mouvement, tempérée par on ne savait quoi de froid et de calculé, qui déconcertait. Sous ses cheveux noirs, dans sa face brune et rasée, ses yeux présentaient une extrême mobilité ; ils étaient noirs et pétillants, pleins de ruse et de défiance ; des colères subites y passaient, jaillissant en éclairs que voilaient aussitôt des paupières, ombragées de longs cils. L’ensemble de sa personne était soigné avec une élégance plus tapageuse que raffinée.

À l’entrée du banquier, il se souleva à demi et tendit négligemment sa main chargée