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avait retrouvé sa forme et sa raison — l’intelligence des yeux le prouvait et les quelques phrases rapidement échangées en convainquirent le banquier.

Comme l’avait prévu le docteur Clodomir, la vue de sa forme avait été pour le gorille comme un rappel à la vie. De la main du singe — de sa main — il avait consenti à prendre de la nourriture ; il s’était laissé soigner et guérir et le professeur Fringue, secondé par le docteur Silence, avait pu, pour la seconde fois, tenter et réussir sa double et miraculeuse opération.

— Un miracle ! apprécia le banquier, enthousiasmé, en secouant chaleureusement les mains du chirurgien.

— Peuh ! fit le professeur Fringue d’un air modeste et dédaigneux. Je puis faire mieux que cela.

Se vantait-il ? L’avenir devait répondre que non. Mais aucune de ses sensationnelles opérations n’eut, par la suite, cette heureuse conséquence : un mariage.

Celui de Violette et de Roland eut lieu sans attirer l’attention des deux savants, retournés à leurs occupations favorites.

Au fond, ils boudaient un peu leur ancien patient, car le jeune homme, en dépit des supplications du professeur Fringue, se refusa énergiquement à livrer à sa manie d’expérience, le gorille guéri.

Celui-ci vit librement dans un coin du parc, où on lui a aménagé une cage si grande et tellement verdoyante, qu’il ne souffre point de sa captivité.

Godolphin est moins pour lui un gardien qu’un ami. Ce qui ne l’empêche pas de soupirer parfois, avec une nuance de regret :

— Tout de même, il ne vaut pas l’autre !

Roland évite soigneusement cette partie du parc ; jamais il n’a consenti à se retrouver en face du gorille, et jamais non plus, il ne parle de l’expérience du professeur Fringue.

Elle lui rappellerait ce qu’il veut oublier : que, si ses mains sont innocentes, son cerveau n’a pas moins tué un homme.

FIN