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— La nature se venge !… Il ne faut pas toucher à la nature mystérieuse !

L’homme-singe, maintenant, se taisait aussi, mais, par instants, on l’entendait sangloter.

À la porte de la maison de santé, un infirmier les reçut. Sans doute avait-il été prévenu par le docteur Clodomir, car sans demander d’explications, il conduisit les trois hommes dans la cellule de Roland.

Minute émouvante ! vision terrible !…

La forme était là, couchée dans un lit, pâle, émaciée ; au milieu de la broussaille de la barbe et des cheveux, deux yeux luisaient, tristes, angoissés, qui sans cesse erraient et viraient, vite, vite, promenaient leur hâte inquiète, leur incompréhensible supplication, sur tous les murs de la cellule, comme s’ils y espéraient une réponse à quelque mystérieuse question, qui suppliciait la pensée de la bête.

Avec terreur, l’homme-singe se rejetait derrière ses compagnons ; il se débattait entre l’invincible attraction qu’exerçait la présence de son corps et la peur du spectacle affolant. Il n’osait ouvrir les yeux.

Le docteur Clodomir, d’une poigne énergique, le poussa en avant :

— Regardez ! ordonna-t-il. Il le faut.

Sanglotant, celui qui avait été Roland s’abattit sur le lit.

— Moi !… moi !… gémit-il.

Mais soudain, un cri joyeux fit retentir l’air de la cellule. La bête qui avait la forme de l’homme se redressa sur sa couche, un extraordinaire changement se fit en sa physionomie ; l’inquiétude et la tristesse disparurent de ses yeux, qu’emplit une clarté joyeuse ; au morne abattement qui l’écrasait sur le lit et le vidait peu à peu de ses forces vitales succéda soudain presque une surexcitation. Ses yeux fixèrent le gorille ; ses mains le palpèrent, comme un enfant fait d’un jouet merveilleux, longtemps et désespérément souhaité.

Et, par petits cris, il exprimait sa joie sans bornes.

— Le miracle ! murmura le docteur Clodo-