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Telles étaient les pensées, lugubres et désespérées, qui torturaient le banquier le lendemain du drame.

Enfermé dans son cabinet, il essayait de réfléchir aux moyens de conjurer l’orage. Mais, en avait-il le loisir ?

Il avait dû laisser envahir son domicile par le flot inquiétant des policiers. Toute la nuit, il avait fallu faire tête aux questions, s’employer à éclairer le drame et, dès l’aurore, les magistrats étaient accourus à la rescousse.

Nul meurtre ne pouvait sembler plus mystérieux. Seule, Violette avait vu. Mais, ce singe, qu’elle avait accusé et sur lequel sa fièvre se refusait à donner des détails, laissait la justice sceptique. D’où venait-il ? Où s’était-il réfugié ? On n’en trouvait nulle trace. Et son apparition fantastique éveillait d’autant plus les doutes que le père avait raconté les anciennes terreurs de Violette. Sur la possibilité d’une imagination maladive, magistrats et policiers ergotaient et discutaient.

Mais, quelque étrange que leur apparût ce singe criminel, il fallait bien croire à sa réalité quand les constatations médicales, d’abord, puis la déposition de Godolphin vinrent confirmer le fait.

Sur le cou du mort, le médecin-légiste releva les empreintes de mains énormes. Ses conclusions furent formelles : elles appartenaient à un gorille.

Le saltimbanque, lui, était survenu sitôt que l’heure lui avait permis de se dire informé par les journaux.

Mais les renseignements qu’il apportait ne pouvaient qu’embrouiller l’enquête. C’était d’ailleurs, le but qu’il poursuivait.

Après avoir déclaré qu’il soupçonnait son gorille d’être l’auteur du crime, il s’empressa de dégager sa responsabilité, en affirmant l’avoir vendu, depuis la veille, à un riche Américain, dont naturellement les traces ne purent être retrouvées.

Grâce à la rouerie du saltimbanque, l’homme-singe pouvait rester paisiblement à l’abri