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Et il haussa les épaules avec désinvolture.

— C’est une terrible opération qu’il a subie !

Événement anormal, la bouche du docteur Silence laissa passer autre chose qu’un chuchotement imperceptible, sa voix résonna presque dans le silence du laboratoire et lui, à qui, d’ordinaire, on devait arracher les monosyllabes, prononça plusieurs phrases, tout d’une haleine :

— Oh ! fit-il, répondant peut-être aux paroles du professeur, mais plus sûrement à sa propre pensée, avec l’anesthésie intégrale, la vie suspendue, immobilisée selon votre merveilleuse découverte, l’opération ne présente aucun danger. On ne travaille plus une matière essentiellement changeante, soumise à de constantes réactions chimiques, dont la succession risque de ne plus faire retrouver, à la fin de l’opération, les éléments nécessaires à la reprise des fonctions vitales, on travaille un composé fixe, professeur Fringue, entièrement fixe. Et on peut réadapter les canaux des veines, rajuster les tronçons de nerfs avec autant de lente précision que s’il s’agissait des pièces d’acier ou de fer d’une machine démontable à volonté. C’est une besogne de précision mathématique, mais, hormis cette chance d’erreur, qu’exclut d’ailleurs l’attention quand tout concorde, il n’y a plus qu’à remettre en marche. Les mêmes éléments devant produire des réactions identiques, on est certain de voir la vie reprendre. Les accidents opératoires ne provenaient que des états chimiquement nouveaux dont la formation, au cours de l’opération, modifiait l’organisme et le rendait, partiellement ou totalement, impropre à la vie. Mais, puisque vous avez supprimé cela… On pourrait recommencer dix fois, vingt fois, sans plus de risques, acheva-t-il.

Sa voix, tombée, était devenue presque inintelligible. Le professeur Fringue ne perçut qu’un bredouillement ; d’ailleurs, sa pensée était absente, ainsi qu’il parut à la réponse