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— Condamné ! ricana Borsetti. Pas encore ! Les bêtes enragées, cela se tue !

Profitant de l’inattention du gorille, il venait de glisser la main dans la poche de son pantalon et d’en tirer un minuscule revolver que, par prudence, il portait toujours sur lui.

Reculant d’un pas, il le braqua sur l’homme-singe et fit feu. Un peu de sang rougit l’épaule du gorille.

Mais, à peine la détonation avait-elle retenti que le bras gigantesque s’abattait ; l’énorme main emprisonnait et broyait le poignet du Corse, qui lâcha son arme.

Violette avait poussé un cri.

En voyant que tout danger avait cessé, pour le gorille, elle se cacha les yeux avec sa main et s’enfuit.

Traînant le Corse, Roland marcha derrière elle jusqu’à la porte qu’il referma.

Dans le grand salon, oisive parce qu’elle était parée, Mme Sarmange attendait paisiblement que le colloque de sa fille et de Pasquale Borsetti prit fin et que ses autres convives arrivassent.

N’ayant point entendu la détonation, elle s’émut à peine de voir surgir Violette, sanglotante et terrifiée. En courant, la jeune fille traversa le salon et alla tomber sur un siège, dans l’angle opposé, où elle demeura, immobile et muette, les mains obstinément appuyées sur les yeux, comme une cloison entre elle et l’horreur.

— Violette ! Qu’as-tu ?… s’exclama la mère avec une inquiétude mesurée.

Que pouvait imaginer la brave dame, sinon une légère querelle, une bouderie d’enfant gâtée qui se révolte contre une volonté contraire ? Le mariage projeté déplaisait à Violette ; elle l’avait fait entendre à Borsetti, avec éclat peut-être, d’où son exaltation et son désespoir. Tout cela était fort ennuyeux et mécontenterait le père.