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que la reconnaissance d’une situation acquise.

Violette n’a pris qu’une heure avant le dîner qu’elle devrait laisser Borsetti glisser à son doigt la bague qui l’engagerait. Engagement solennel et irrévocable ? Non point. Un simple simulacre qui permettrait au moins la restriction mentale. Devait-elle s’y prêter ?

Il prit sur lui de fixer une date pour la célébration des fiançailles, d’une manière toute intime, d’ailleurs, en présence des seuls parents.

Hésitante, reculant devant la perspective d’une nouvelle scène, de nouvelles discussions, elle ne pouvait s’empêcher d’être tentée par ce rôle passif. Elle ne répondit que par un signe de tête aux encouragements de sa mère, qui conseillait l’obéissance.

— Tu seras raisonnable, ma chérie ?

Elle ne rêvait que d’atermoiements possibles. L’avenir l’épouvantait. Que pouvait-elle en attendre d’heureux ? Rien. Sa vie devait demeurer bouleversée par la secousse qui avait jeté Roland hors de l’existence normale. Elle sentait que, s’il est pénible de pleurer un mort, il l’est davantage de pleurer un vivant. Elle l’imaginait enveloppé de surnaturel et cela causait sa torture. Cette personnalité dédoublée la laissait désorientée. À qui devait-elle vouer la fidélité de son souvenir et de ses regrets. Au corps ou à l’âme ? Il serait cruel d’affliger la pensée survivante par le spectacle d’une douceur inconsolable qui, sans cesse, lui rappellerait sa forme perdue. D’autre part, Roland, sans son corps, n’était plus Roland, ne pouvait plus l’être.

Ne pouvant trouver une réponse qui apaisât son angoisse, Violette aurait voulu qu’on la laissât pleurer, sans la mettre en face de ce terrible avenir.

Accepter la bague de Borsetti, c’était l’engrenage. Il serait son fiancé, alors que l’autre continuait à vivre et à penser. C’était impossible.

À qui faire comprendre cela ? De qui solliciter l’appui ? Une explication loyale avec le