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gards ironiques, on n’ose plus quitter le deuil. Violette n’ose pas avouer qu’elle peut encore prendre plaisir à vivre. C’est à moi de prendre pour elle cette décision. Elle m’en remerciera plus tard.

— Combien je vous serai reconnaissant si ce rêve pouvait se réaliser ! dit le Corse avec ferveur. Mais, ne m’éveillez pas trop vite à l’espoir. Songez combien le coup serait cruel, doublement cruel, cette fois, si Mlle Violette refusait…

M. Sarmange haussa les épaules.

— Elle n’a aucune bonne raison pour cela. Et je n’admettrai jamais que, pour de mauvaises, elle fasse son malheur et le vôtre. J’ai trop conscience de mes devoirs de père… Vous avez ma parole, mon cher.

Exultant, Borsetti saisit les mains du banquier.

— Soyez béni ! s’écria-t-il d’une voix émue. Vous me rendez fou de joie… Mais, je vous en supplie, ne brusquons rien. Je serai patient.

Laissez Mlle Violette s’habituer peu à peu à l’idée de devenir ma femme. Je ne voudrais, pour rien au monde, être pour elle une cause de chagrin.

— Soyez tranquille ! Je lui en parlerai en père et non en tyran.

Et le banquier rit bruyamment, en se frottant les mains, comme s’il venait de conclure une bonne affaire.

Le conflit, pressenti par Violette, était ouvert. Cela apparut dès les premiers mots de sa mère, chargée par M. Sarmange de tâter le terrain. Le banquier désirait, en effet, éviter l’attendrissement des crises de larmes prévues ; il se réservait d’intervenir quand sa fille, ébranlée et lassée par plusieurs assauts successifs, ne serait plus en état de résister à une manifestation de son autorité.

Ces assauts, d’ailleurs, c’était lui qui les dirigeait de la coulisse. En la circonstance, comme toujours, Mme Sarmange n’était que son porte-paroles.

Violette reconnut de suite, dans la bouche maternelle, les arguments du banquier. Com-