Page:Magog - L'homme qui devint gorille, publié dans l'Écho d'Alger du 18 nov au 27 déc 1925.djvu/175

Cette page a été validée par deux contributeurs.

— Et alors, Borsetti, lança-t-il à brêle-pourpoint, est-ce que vous avez renoncé à vous marier ?

Pasquale feignit d’être pris à l’improviste, à cent lieues du sujet.

— Vous savez que j’y ai songé jadis, répondit-il avec beaucoup de réserve, en lançant à son associé un regard de reproche.

— Jadis, mais depuis ?

— Je n’ai point un caractère changeant, fit évasivement le Corse.

— Ce qui veut dire que vous en êtes resté à votre premier projet ? dites-le donc Borsetti !

— Pourquoi le dirais-je ? vous devez savoir que ce sujet m’est pénible.

— Mon cher, j’insiste dans votre propre intérêt et non pour le plaisir d’être indiscret. Avouez donc que certain compte, passé aux profits et pertes, n’a point été biffé comme vous le déclariez.

— On se résout difficilement à rayer de son cœur certains sentiments, déclara le Corse, un peu prétentieusement. Mais encore une fois, je ne vois pas où une semblable conversation neut nous mener.

— Ne faites pas l’enfant ! Vous le devinez parfaitement. J’ai voulu vous mettre à votre aise, voilà tout. Vous n’ignorez pas les événements qui peuvent avoir modifié ma manière de voir. Comme j’ai cru comprendre qu’un excès de délicatesse était la seule raison de votre retenue, je tiens à vous dire que, pour ma part, je suis tout prêt à reprendre la conversation, si vos sentiments n’ont pas changé. Au cas contraire, mettons que je n’ai rien dit. Nous pouvons nous comprendre à demi-mot.

— Dois-je comprendre, s’écria Borsetti, avec une émotion visible, que vous m’autorisez à… à vous exprimer… de nouveau, le plus cher de mes vœux ?

— À qui les exprimeriez-vous ? demanda malicieusement Sarmange. Au banquier ou au père ?