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rents, le prétendant dont on attend la demande, sans inquiéter Violette en laissant percer ses intentions. Il attendait son heure.

Mais, précisément à cause de la discrétion de son attitude, elle ne pouvait pas l’empêcher d’être constamment près d’elle, comme une menace.

Longtemps, sa maladie l’avait délivrée des assiduités du Corse. Alors Mme Sarmange recevait seule ou ne recevait point.

Mais, depuis que la jeune fille avait dû reprendre sa place dans le salon et se plier de nouveau aux exigences de la vie mondaine, elle avait vu Borsetti reparaître et s’installer.

À quelques phrases inquiétantes de son père, elle avait bien tenté d’opposer un refus éventuel au retour offensif du Corse et d’affirmer sa résolution de ne jamais se marier.

Mais M. Sarmange avait vertement répliqué en fronçant ses sourcils olympiens :

— Ne dis donc pas de bêtises ! Le cas échéant, je ne te permettrai pas de gâcher ta vie.

Pour ne point épuiser inutilement à l’avance sa force de résistance, Violette se tut, en soupirant. Depuis, elle vivait dans l’angoisse, craignant une démarche décisive de Pasquale Borsetti, une parole qui ouvrirait le conflit entre elle et ses parents. Comme il tardait, elle avait fini par espérer qu’il ne la prononcerait pas et que son premier échec l’avait définitivement découragé.

Cependant, s’étant mis en tête de faire malgré elle le bonheur de sa fille, M. Sarmange se décida brusquement à provoquer les confidences de Borsetti. À première vue, il ne semblait point facile de remettre sur le tapis la question matrimoniale, et le banquier, au moment d’aborder ce sujet, se sentit aussi embarrassé qu’il l’avait été jadis quand il s’agissait d’éluder cette même question.

Après avoir longtemps, et sans succès, tourné autour, il s’avisa un matin que la meilleure diplomatie est peut-être celle qui s’embarrasse le moins de finesse. Renonçant aux périphrases, il mit bonnement et vulgairement les pieds dans le plat.