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mais, quand je devrais la rendre, à votre signal je redeviens votre homme.

— Alors, sois sans remords ; tu as bien fait d’accepter.

— Veine ! cria le saltimbanque, soulagé d’un grand poids.

Mais, pris d’une nouvelle inquiétude, il se rembrunit aussitôt.

— Vous savez, patron, expliqua-t-il avec embarras, c’est ce soir qu’il vient nous chercher. Paraît que c’est pressé.

— Qu’il le soit ! murmura l’homme-singe. Je le suis aussi.

Une heure après, une auto s’arrêtait devant la bicoque ; un camion automobile suivait avec une équipe de déménageurs.

Godolphin, qui se tenait sur la porte, vit le chef de l’équipe s’approcher du coupé et engager, par la portière, un colloque avec la personne qui se trouvait à l’intérieur. Le richissime Américain ne descendit pas, mais il passa sa tête hors de l’auto et fit signe au saltimbanque d’avoir à obéir aux instructions du déménageur.

Celui-ci entra dans la cour avec ses hommes, et Godolphin les guida vers la cage, dans laquelle le gorille se tenait, indifférent en apparence, mais l’œil aux aguets.

— Diable ! fit le chef de l’équipe, en l’apercevant. Voilà un particulier qui ne sera pas commode à déménager.

— Oh ! riposta le saltimbanque, de son air le plus naturel, il n’est pas si terrible qu’il le paraît.

Néanmoins les deux déménageurs jugèrent de jeter, par-dessus la cage, une forte bâche qu’ils entourèrent de cordes. Ainsi aveuglé, il était impossible au gorille de rien suivre de la scène. Il sentit seulement qu’on soulevait la cage et qu’on le transportait sur le plateau d’un camion. La voix de Godolphin, se mêlant à celle des déménageurs, l’assura que son allié ne l’abandonnait pas.