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D’autant plus que ça ne durerait pas toujours. Quand son caprice serait passé, bonsoir la bête ! Elle prendrait sa retraite au muséum, et moi je me retirerais avec une indemnité, Roland ne perdait pas un mot.

— Qu’as-tu dit ? demanda-t-il.

— Dame ! patron, mettez-vous à ma place, fit le saltimbanque d’un air penaud. Toute cette galette-là, ça m’étoilait le cerveau, et puis, j’avais bu ! Je ne voulais pas manquer la bonne affaire et je sentais bien que c’était oui ou non, sans barguigner. Si, j’avais demandé à réfléchir, il n’y aurait pas cru. Alors, j’ai dit oui.

— Tu as dit oui, s’exclama l’homme-singe.

— Vous fâchez pas. Il est toujours temps de se dédire.

Mais Roland n’y songeait guère. Lui et Godolphin dans la place ! N’était-ce pas une de ces revanches que réserve le destin à ceux dont il a éprouvé la patience ? En profitant de l’occasion qui s’offrait, il serait vite fixé sur les intentions du faux Américain à son égard. Elles l’éclaireraient sur le mystère. Sans doute, à cet instant, il ne pouvait prévoir la tournure des événements. C’était un saut dans l’inconnu, un inconnu plein de dangers. Mais il risquait d’y pêcher la lumière. Et une chance l’accompagnait : Godolphin.

— Pourrai-je compter sur toi ? demanda-t-il. Me demeuras-tu fidèle, au cours de cette aventure ? Seras-tu prêt, non seulement à me défendre en cas de danger, mais à me rendre la liberté quand je te la demanderai ?

— Ça, patron, c’est couru, s’écria le saltimbanque. Mais vous pensez donc qu’il pourrait y avoir du grabuge.

— Oui, dit l’homme-singe.

— Et vous… vous acceptez quand même ? interrogea timidement Godolphin, partagé entre la crainte et l’espoir.

— Oui, si je suis sûr de toi.

— Pas d’erreur ! J’empoche la somme,