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— Songez-y… Essayez de vous représenter… la situation.

Les trois regards se rencontrèrent et s’immobilisèrent quelques instants ; et bien que l’un d’eux fût retranché derrière des verres sombres, ils ne furent qu’une même pensée, une effroyable évocation, qui parut surgir entre eux sous une forme visible.

Enfin, le contact magnétique se rompit. Simultanément, les trois hommes baissèrent la tête et chacun d’eux se reprit à penser pour son propre compte.

— Si l’expérience réussit… si tout se passe comme je crois, murmura rêveusement le professeur Fringue, vous aurez à supporter des sensations inconnues… inimaginables… qui, sans doute, engendreront des tortures morales intenses. Il faudra, pour y résister, une volonté, une force morale presque invraisemblables… Je ne parle que par hypothèse.

— Cela doit être saisi, dit l’inconnu.

Sa voix ne tremblait nullement. Il reprit :

— C’est d’ailleurs un des points que vous avez dû souhaiter d’expérimenter.

— Certainement… en théorie… reprit le professeur Scapel en se grattant le menton avec une énergie désespérée. En théorie, cela semble fort simple, presque naturel… Mais, lorsqu’on a devant les yeux l’individu qui doit…

— Que cela ne vous gêne nullement ! s’écria l’inconnu en ricanant d’étrange façon. Je m’étonne d’une pareille sensibilité chez un savant.

Le professeur Fringue le considéra avec une sorte d’effroi.

— Si je croyais au diable… murmura-t-il.

Et il jeta du côté de son aide un regard qui achevait sa pensée.

Les lèvres du docteur Silence dessinaient un sourire bizarre.

— Je n’ai rien de satanique, dit l’inconnu.