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humaine et méchante, dont toute la force résidait en une extraordinaire collaboration du hasard, cette rencontre avec deux savants rêvant d’une invraisemblable expérience. Forces piètres, dont Roland ne parvenait point à accepter d’avoir été la victime. Ce projet semblait tellement irréalisable, il lui avait fallu, pour aboutir, un tel concours de circonstances inimaginables, que le malheureux, devant leur coalition inattendue, se sentait pris d’une colère d’enfant, aussi impuissante que violente. Garrotté par les mains frêles de Dalila, Samson dut, au réveil, éprouver cette surprise et cette fureur.

— J’étais un homme, sanglota-t-il, et vous avez fait de moi un singe !

Pour n’être point dictées par les mêmes sentiments, les pensées du professeur Fringue n’en étaient pas moins pénibles. La situation le consternait. Ou pour mieux dire, elle l’écrasait en projetant tout à coup sur ses épaules le poids d’une responsabilité imprévue. Devant Violette, il en avait eu la vision fugitive : elle se précisait, maintenant, implacable ; son crime — si involontaire qu’il fût — existait ; il vivait devant ses yeux, sous la forme du gorille.

Du coup, l’infortuné savant avait perdu toute faculté d’analyse, il se sentait impuissant à voir autre chose que le fait brutal, dépouillé de tous antécédents et de toutes conséquences.

Assommé, il regarda Roland en répétant à plusieurs reprises, l’éternel refrain des hommes :

— C’est la fatalité ! la fatalité !