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lules peuvent se trouver oblitérées… Cela suffit pour abolir partiellement la mémoire.

Il parut satisfait de son explication, bien qu’elle ne semblât point enthousiasmer son disciple.

Vivement, il se retourna vers le gorille.

— Ressentez-vous quelque symptôme ?… point de trace d’engourdissement ? Remuez le bras droit… l’avant-bras… pliez les phalanges… Rien ? Rien d’appréciable ?… Hum !…

Il se recueillit, en tourmentant son menton.

— Où commence, où finit la lacune ? dit-il.

C’est ce qu’il faut d’abord établir. Vous ne vous souvenez point être jamais venu ici ?

— Jamais, protesta le gorille. Pourquoi serais-je venu ?

— Eh ! fit le professeur Fringue, un peu interloqué, par suite d’un projet que vous auriez formé… Cherchez un peu… Ne vous rappelez-vous point un projet ?… N’avez-vous point entendu prononcer mon nom ? parler de mes travaux ?

— J’ignore tout de ceux-ci. Et quant à votre nom, Mlle Sarmange l’a prononcé devant moi, pour la première fois, voici quelques heures.

— Remontons, dit le professeur d’un ton pique, remontons plus haut… Avons-nous quelques dates qui puissent nous servir de jalons ?

— Des dates ? fit le gorille. Quelques-unes sont restées gravées dans ma mémoire. Mais pourquoi ce débat oiseux ? Quel jour des chiffres peuvent-ils jeter sur mon extraordinaire aventure ? Voici l’unique question que je suis venu vous poser : j’étais un homme, je suis devenu un singe. Admettez-vous cette métamorphose et la comprenez-vous ?

— Sans doute, répondit Fringue, en appelant d’un coup d’œil significatif, l’attention du docteur Clodomir. Mais, vous-même ?

— Moi, dit sourdement le gorille, comment pourrais-je comprendre ?

— Parce que… commença le professeur. Il se reprit aussitôt. Oh ! c’est un bien étrange cas d’amnésie, docteur Clodomir !

— Voulez-vous dire que j’ai oublié ? deman-