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— Voulez-vous me le vendre ? proposa-t-elle soudain.

— Vous le vendre, mon gorille ? s’exclama Godolphin, cessant de rire pour redevenir méfiant.

— Je donnerai un bon prix.

— Il vaut davantage. Parole ! J’y perdrais. Songez un peu ! Une bête pareille ! Il fera ma fortune.

Son œil s’allumait à la pensée des gains redevenus possibles.

— C’est qu’un peu de patience à avoir. Quand on saura que sa crise est passée, les engagements reviendront. On retravaillera ensemble. Pas vrai, vieux ?

— Non, fit le gorille, en secouant la tête.

Il avait repris son attitude humaine. Toute trace d’égarement avait disparu de ses yeux. Calme, il avait écouté le saltimbanque et, maintenant, il le fixait, prêt à discuter.

— Non ? s’exclama l’homme, plus stupéfait qu’il ne l’avait encore été.

Il recula de deux pas, regardant le singe d’un air ahuri.

— Celle-là ! murmura-t-il. Celle-là !… Impuissant à exprimer ce qu’il ressentait, il se tut et demeura, les yeux ronds et la bouche ouverte.

— Accepte la proposition de mademoiselle, Godolphin, dit le gorille. Que gagneras-tu à me conserver malgré moi ? Tu ne peux m’obliger à travailler. Tu seras forcé de me garder en cage, et, comme je ne ferai pas un geste, le public se lassera bien vite de me contempler. Tu sais bien que, si je ne m’y prête pas, tes projets ne se réaliseront pas.

— Ça dépasse tout ! murmura le saltimbanque. Entendre un singe raisonner comme ça ! Vous allez voir qu’il me fera la loi.

« Tu veux me quitter, milord Poil-aux-Pattes ? C’est pas chic ! »

— J’ai besoin d’être libre, dit le gorille.

— Et je vous dédommagerai, ajouta Vio-