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la durée d’un éclair, béer le gouffre sous ses pas, il éprouvait une sensation de vertige.

— Je pourrai, dit-il, avec effort. Certainement, je pourrai. Qu’il vienne.


XIII

UN RAYON DANS L’OMBRE


C’était trop beau pour durer !

Cette phrase, le pauvre Godolphin la répétait vingt fois le jour, avec un soupir navré.

Après la capture, il avait fallu faire réintégrer au gorille la cage d’autrefois. Finie, la vie civilisée en complet élégant ! Terminées, les exhibitions et les recettes fructueuses.

Il songeait à transporter la cage sur un emplacement de fête de quartier et à tirer, au moins, de la vue de son gorille, quelques maigres bénéfices.

Un coup de sonnette le tira de ses réflexions.

Il sortit de la cage et du hangar dans lequel elle était placée, traversa une petite courette et ouvrit la porte de la rue. Il se trouva en face d’une demoiselle élégante et voilée ; contre le trottoir, une automobile était rangée ; par la portière, on entrevoyait une dame placide et nonchalante, qui regardait autour d’elle d’un air indifférent.

Ébloui, le saltimbanque salua.

— Monsieur Godolphin ? demanda la jeune fille.

Elle entra et jeta autour d’elle un regard craintif.

— Est-ce que je pourrais « le » voir ? fit-elle.

— Ça n’est pas défendu, répondit le saltimbanque. Seulement…

Il hésita, un peu honteux, ne sachant comment exprimer qu’il entendait exploiter cette curiosité qui s’annonçait.

— Bien entendu, je paierai, ajouta la jeune fille.