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docteur vous appelle auprès de moi pour une chose qu’il ne comprend pas. Je voudrais vous poser une question ; mais, je n’ose pas.

— Osez, répondit le professeur, d’une voix qui tremblait. Il prévoyait ce qu’elle allait dire.

Violette le regardait, toute sa vitalité réfugiée dans ses yeux, qui imploraient. C’était comme si elle eût attendu le prononcé d’une sentence qui pouvait la perdre ou la sauver.

— Docteur, dit-elle tout à coup, j’ai entendu parler un singe. Croyez-vous que je sois folle ?

— Non, fit laconiquement le professeur Fringue, en secouant la tête.

— Alors, cela se peut ? demanda anxieusement Violette.

Le professeur se sentait infiniment plus troublé qu’elle.

Scientifiquement, répondit-il en se pinçant le menton, scientifiquement les singes ne parlent pas… c’est-à-dire qu’ils n’émettent pas de sons intelligibles pour les oreilles humaines… Cependant, il peut se faire… que dans des cas particuliers… dans un cas véritablement particulier… vous ayez entendu parler un singe.

— Je l’ai entendu, affirma la jeune fille, sans quitter des yeux le savant. Et ce singe m’a dit qu’il était un homme…

— Vraiment ? fit le professeur, d’un air malheureux.

Et il rougit comme un enfant pris en faute.

— Vraiment !

D’une voix basse, Violette murmura :

— Cela se peut-il ?

Le savant hésita. Il sentait la sueur sur son front. Qu’allait-il répondre ? Nier ? Cette enfant avait vu avait entendu. Mais elle était trop frêle pour supporter seule le poids de l’extraordinaire. Il lui fallait se reposer, s’appuyer sur la foi d’autrui ; sans quoi, elle deviendrait folle.