Page:Magog - L'homme qui devint gorille, publié dans l'Écho d'Alger du 18 nov au 27 déc 1925.djvu/120

Cette page a été validée par deux contributeurs.

moiselle demanda le professeur Fringue, en désignant la photographie.

Cette question s’échappa spontanément de ses lèvres. Il dut la regretter aussitôt, car il tâcha d’en atténuer l’indiscrétion en expliquant :

— Il me semble bien l’avoir vu quelque part.

— C’est mon fiancé… M. Roland Missandier, murmura Violette, dont une émotion soudaine empourpra les joues.

Pareille rougeur monta à celles du savant.

— Votre fiancé ? bégaya-t-il, à la fois stupéfait et atterré.

Ses yeux se fixèrent obstinément sur le tapis.

Il répéta plus bas :

— Votre fiancé !

— Oui, dit la jeune fille.

Ce qui se passait dans l’esprit du professeur Fringue était intraduisible. Lui-même, plus tard, se déclara incapable d’analyser la complexité des sentiments qui avaient alors fait brusquement irruption en lui. Il demeurait ahuri, la langue tout à coup paralysée. Pour la première fois de sa vie, il conçut vaguement que son amour de la science n’allait point sans quelque férocité, susceptible de déchaîner des catastrophes, et, encore qu’elles fussent involontaires, il en ressentit confusément quelque honte et quelque regret.

Quand son regard se releva vers Violette, il restait en lui une sorte de pitié humble et suppliante qui l’adoucissait étonnamment.

La jeune fille dut se rendre compte instinctivement de ce changement dans les manières du professeur Fringue, car elle prit soudain confiance.

— Monsieur, appela-t-elle, d’une voix qui tremblait.

Il approcha, hésitant, presque timide.

— Monsieur, murmura Violette, vous êtes sans doute un grand savant, puisque notre