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on vous défendît d’achever votre tâche.

— Vous êtes fou ! s’écria le professeur avec agitation.

Il était très pâle et ses mains tremblaient.

— Que voulez-vous dire ?

— Professeur Scapel, articula l’inconnu, n’avez-vous point rêvé l’échange des cerveaux ? le timide échange, d’abord, entre hommes et bêtes, puis, plus tard, le perfectionnement de cette greffe nouvelle, qui vous donnerait le pouvoir troublant de guérir les maladies mentales ? N’avez-vous pas rêvé de modifier les passions et les aptitudes, de créer des génies et, peut-être — qui sait ? — de faire, un jour, de la bête une créature humaine et de l’homme un dieu ?

Debout devant l’impitoyable questionneur, le professeur Fringue n’essayait plus de cacher son épouvante.

— Qui êtes-vous, monsieur ? s’écria-t-il, avec des gestes désordonnés. De quel droit fouillez-vous ma pensée ? Tout cela n’est que du rêve, entendez-vous, monsieur ? que du rêve ! Et on n’a pas le droit de s’emparer des divagations de l’esprit pour compromettre un honorable savant. Ai-je rêvé cela ? ou ne l’ai-je pas rêvé ? Cela ne regarde personne, personne !

— Laissons les rêves, dit l’inconnu. C’est un escalier formidable dont le palier se perd dans les nuages. Vous n’en êtes encore qu’à la première marche, professeur Fringue ; mais vous vous y tenez ferme. Osez me dire que vous jugez impossible l’échange des cerveaux ?

— J’y ai songé… peut-être… j’avais le droit d’y songer… J’en rappelle au docteur Clodomir, dit le professeur en respirant avec force. Le savant doit travailler dans l’intérêt de l’humanité.

— Et vous avez expérimenté… sur des animaux…

— C’était mon droit… Journellement, on en sacrifie pour des sérums… Moi, je ne