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D’un dernier regard, il embrassa cette chambre, clair décor encadrant son supplice ; on eût dit qu’il en voulait emporter la vision, fixer dans sa rétine l’image de tous les objets et matérialiser en elle le souvenir de la minute où il avait touché le fond du gouffre qui était son destin.

Sur le bureau de Violette, il y avait un petit paquet. Le regard du désespéré le rencontra, lut un nom qui se détachait sur l’enveloppe de papier blanc :

« Monsieur Roland Missandier. »

Il tressaillit ; sa main s’allongea, s’empara du paquet. Sous le nom, il y avait une adresse — tracée par la main de Violette.

Avec une expression indéfinissable, le gorille glissa le paquet dans une de ses poches, sur sa poitrine. Une mélancolie très douce parut dans ses yeux, tournés vers la jeune fille.

Elle n’avait pas quitté sa pose épouvantée.

Résolument, le gorille se détourna, s’approcha de la fenêtre et l’enjamba, après avoir doucement rouvert les persiennes.

L’instant d’après, il sautait sur le trottoir et marchait dans la nuit.

Sous un bec de gaz, il s’arrêta, et, tirant de sa poche le paquet, se mit à dénouer la ficelle qui l’enserrait.

Le papier déplié, une boîte carton apparut ; elle contenait des fleurs, l’envoi quotidien de Violette à son fiancé.

Longtemps le gorille les contempla ; des larmes, de ses yeux, tombèrent sur les pétales.

Tout à coup, il referma la boîte, refit le paquet et le cacha dans sa poche, après avoir de nouveau regardé l’adresse.

Sa voix rauque déchira le silence de la nuit, comme une plainte.

— Je les « lui » porterai, dit-il.

Et il se remit en marche, vite, vite, comme s’il eût couru vers le bonheur.

Où allait-il ?