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« — Je suis Roland.

« Et maintenant, je vous ai tout dit ; vous savez tout, Violette. Comme moi, vous croyez en dépit de votre raison. Votre cœur a entendu le récit de mes tortures et il me plaint. Mais vos yeux, à travers ma forme actuelle, retrouveront-ils celui que vous avez aimé ? Pourront-ils jamais me fixer sans épouvante ? Retournez-vous, petite fleur, et regardez-moi. Que puis-je attendre de la vie, maintenant ? »

Lentement, obéissant à la voix, Violette tourna la tête ; ses doigts s’écartèrent, découvrant ses yeux.

Mais, aussitôt, la même expression de terreur folle y reparut. Tout bas, malgré elle, Violette balbutia : « J’ai peur… »


XI

L’ÂME QUI CHERCHE LE CORPS


Devant Violette, qui avait replacé ses mains sur ses yeux, le gorille demeura atterré.

Elle avait peur. Elle aurait peur toujours.

Aucune tendresse, aucune pitié ne pourrait atténuer cet horrible effroi.

Il sembla au gorille que le destin refermait sur son cœur une main invisible et le broyait.

Mais il lutta contre ce nouvel accès de démence.

Violette était là, pantelante d’effroi. Fallait-il l’épouvanter davantage ?

En lui, par un violent effort, le gorille enferma son désespoir. Seuls, ses yeux, au regard presque humain, dirent la douleur, l’atroce douleur qui le déchirait.

Il marcha vers la fenêtre lentement ; et, dans le soudain affaissement de son être, il n’y avait pas la résignation, mais l’abandon total, la lassitude de celui qui renonce à la lutte inutile, qui s’en va vers le désespoir morne.