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un chaos soudain, un bouleversement de cataclysme. C’est de l’horreur, c’est du désespoir, de la folie ; c’est une sensation impossible à analyser. Il n’y a plus en moi une pensée lucide, mais du vertige, un soudain détraquement qui secoue à la fois tous les rouages de mon cerveau, en heurte les circonvolutions contre les parois de mon crâne. La folie ! J’en ai senti toute l’horreur, à cette minute, toutes les souffrances !

« Dans mon effroi insensé, je me précipitai sur les carreaux de la cage, qui m’emprisonnaient comme mon corps, et je les secouai avec rage. Il me semblait que si je pouvais les briser et m’enfuir je m’évaderais à la fois de ma double prison, de la cage et du corps que je me voyais.

« Soudain, un pan de la toile qui recouvrait la cage fut rejeté en arrière. Un homme apparut derrière les barreaux, sans doute attiré par le tapage infernal que je faisais. Il tenait à la main une sorte d’épieu, dont il me menaça.

« — Holà ! master Charly, fit-il. Nous ne voulons donc pas être sage ?

« À sa vue, j’avais cessé de me démener et de crier. Un homme ! J’allais donc savoir comprendre…

« Je voulus l’interroger. Mais, ma langue était-elle ensorcelée comme mon corps ? Au lieu des mots que je pensais, qui se pressaient dans ma gorge, je ne réussis à faire sortir que d’étranges grognements. Terrifié, je me tus.

« Cependant, l’homme avait passé son épieu à travers les barreaux de la cage et piquait du bout pointu ma peau velue.

« — À la paille, le singe ! à la paille ! ordonna-t-il.

« Une effroyable lueur traversa mon crâne : un singe ! J’étais un singe !