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il y a quelqu’un près de moi. On me frôle, on me touche, on me regarde.

« Je vais tourner la tête, chercher des yeux celui qui vient, tenter de parler…

« Mais une main — humaine celle-là — approche une tasse de mes lèvres ; une autre main soulève ma tête ; on m’a fait boire. Docile, épuisé par ma terreur, je me laisse faire. Je bois…

« Et voilà que de nouveau, il y a du noir ; je suis replongé dans le néant : je cesse d’exister, de penser, de sentir, d’apprécier le temps. Je dors, comme la première fois. Je me réveille de suite, il me semble. Mais, il me faut un moment pour reprendre mes esprits. D’ailleurs, le vague ne dure pas comme lors de mon premier réveil ; le brouillard se dissipe aussitôt. Le souvenir me revient. Le décor est changé. Plus de lit, plus de chambre. Je ne vois ni plafond, ni fenêtre ensoleillée, ni meubles.

« Sous moi, il y a de la paille, une sorte de litière ; mon œil au-dessus de ma tête et sur les côtés rencontre des barreaux, d’énormes barreaux de fer, recouverts d’une toile, dont les trous laissent pénétrer un peu de jour.

« Une cage ! Je suis dans une cage !

« Mais j’abandonne aussitôt ce sujet d’étonnement. Je me souviens de mon premier réveil, de mon effroi.

« La patte ? Où est la patte ? Ai-je rêvé ? Éperdument, je le souhaite.

« Mais, non ! C’est plus horrible ! Mes yeux, qui cherchent mon corps, rencontrent une forme hideuse ; ce n’est plus la main velue qui m’épouvante, c’est un corps de bête, de singe, massif, difforme, couvert de longs poils noirs avec des bras démesurés.

« D’un bond, je suis debout ; de nouveau l’effroyable cri déchire ma gore et mes oreilles. Je sens que mes yeux veulent sortir de leur orbite et que, dans mon crâne, c’est