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Sur les draps blancs, la chose noire s’agite, repousse, tente de saisir une autre chose qui serait là où elle est ; ses efforts ont rejeté les draps ; maintenant elle apparaît au bout d’une autre chose également velue, également sombre… C’est un membre de bête, un avant-bras qui s’agite avec fureur, avec terreur, comme la patte. Une frénésie identique à celle qui s’empare de moi fait mouvoir tout cela.

« Et je fais une nouvelle découverte, aussi déconcertante, davantage effrayante : cette patte, cet avant-bras sont reliés à mon corps ; c’est ma volonté qui les meut. Je le sens. Ils font partie de mon être.

« D’abord, je ne comprends pas, c’est moins de la terreur que de la stupeur qui immobilise mon regard, le rive à cette apparition inouïe.

« Que m’arrive-t-il ? Je sens mon bras ; je sens ma main. Et, à leur place, je vois… C’est inouï ! C’est impossible ! Ce n’est point moi et c’est en moi.

« Un frisson secoue tout mon corps. Je tremble d’angoisse et de frayeur.

« Je veux crier. Il faut que je crie, comme dans les rêves trop horribles. Cela m’éveillera, peut-être.

« Au fait ! C’est cela ! Je rêve ! Je délire ! à moins que je ne sois devenu fou.

« J’emplis d’air mes poumons ; ma bouche s’ouvre pour un appel.

« Oh ! le cri atroce ! Qu’ai-je donc ? Qu’y a-t-il dans ma gorge pour qu’un pareil son s’en échappe ? C’est rauque, c’est déchirant, cela n’a rien d’humain. Il me semble que ce cri « n’est point poussé par moi, » qu’il sort d’une gorge étrangère. Et pourtant, je sens ! Je l’ai voulu, ce cri qui glace le sang dans mes veines. Je le répète, je le prolonge…

« Je n’ai pas le temps d’analyser cette torture, de m’examiner, de réfléchir davantage. Avant que j’aie pu me rendre compte, de ce que j’éprouve, « penser » ma terreur,