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les dimensions colossales on les formes bizarres rappellent les créations fabuleuses de l’antiquité.

Le fait suivant donne une idée du jour nouveau que Cuvier a pu jeter sur l’histoire des fossiles.

Les partisans du système qui attribue toutes les pétrifications au déluge ont toujours cherché avec empressement quelques ossemens humains parmi les débris d’animaux de toute classe que nous offre le globe. Ils étaient contrariés de n’en jamais rencontrer, car cela les conduisait à douter de la vérité de leur système, ou bien à admettre que le déluge avait pu arriver dans un autre but que dans celui de faire disparaître une race d’hommes coupables. Aussi éprouvèrent-ils une grande joie au commencement du siècle dernier lorsqu’on découvrit, à quelques lieues du lac de Constance, un schiste contenant l’empreinte dont nous donnons ici la gravure à un sixième de sa grandeur naturelle.


(Schiste découvert aux environs du lac de Constance.)


Cette empreinte d’abord était loin d’être aussi complète que le dessin la représente ; on n’y distinguait ni les petits os qui sont détachés à droite et à gauche de la colonne vertébrale, ni les pattes.

En 1726, un savant médecin en fit l’objet d’une dissertation particulière, sous le titre de l’Homme témoin du déluge. « C’est irrécusable, disait-il ; voici une moitié, ou peu s’en faut, du squelette d’un homme ; la substance même des os, et, qui plus est, des chairs et des parties encore plus molles que les chairs, sont incorporées dans la pierre ; en un mot, c’est une des reliques les plus rares que nous ayons de cette race maudite qui fut ensevelie sous les eaux. »

Cette opinion hypothétique devait s’évanouir devant l’esprit observateur de Cuvier. Ce savant jugea, d’après les grandeurs relatives des os, que le prétendu homme fossile n’était autre chose qu’une salamandre aquatique de taille gigantesque et d’espèce inconnue.

Pour confirmer cette opinion, il fit graver le squelette de la salamandre. Le résultat justifia ses prévisions de la manière la plus éclatante. En 1811, il eut la faculté de creuser dans la pierre qui contenait ce vieux témoin du déluge. L’opération se fit en présence de plusieurs savans distingués. On avait sous les yeux le dessin du squelette de la salamandre terrestre, que nous donnons ici à moitié de sa grandeur naturelle, et, à mesure que le ciseau enlevait un éclat de pierre, on voyait paraître au jour quelques uns des os que ce dessin avait annoncés d’avance.

Cuvier était doué d’une si prodigieuse mémoire, que les nomenclatures les plus sèches, que les listes des souverains et des hommes qui, à un titre ou un autre, ont gouverné les différentes parties du monde, une fois rangées dans sa tête, ne s’en sont jamais effacées. Il travaillait constamment ; il lisait et écrivait même dans sa voiture ; on ne s’en étonne pas quand on songe que, dans le conseil d’État seulement, le nombre des affaires qui lui passaient sous les yeux s’élevait quelquefois à dix mille par année.


(Squelette de la salamandre.)


Dans les réunions officielles il paraissait préoccupé, toujours un peu distrait. (Quelquefois, pendant qu’il présidait, il lisait quelque ouvrage tout-à-fait étranger aux affaires qui se traitaient ; il ne parlait jamais que le dernier ; mais souvent il avait écrit dans la séance le règlement qui devait ressortir de la discussion. Dans les réunions intimes, il avait une naïveté de manières qui répandait un nouveau charme sur sa conversation variée et attachante, dans laquelle il déployait un esprit vraiment universel.

Lorsqu’il fut frappé, le 10 mai au soir, du premier symptôme de la maladie qui devait l’emporter, il eut rapidement jugé que tout était fini pour lui. Il exprima quelques regrets de ne pouvoir terminer les travaux qu’il avait commencés ; mais, bientôt résigné, il prit quelques dispositions pour la publication de ses œuvres, et mourut le 13 mai 183


(Cuvier.)