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se laisse conduire, après quelque résistance, à l’église, au bruit des armes à feu et des instrumens de musique.

Le père, ou, à son défaut, le plus proche parent de la future, lui donne le bras, et ouvre le cortége ; le prétendu reste en arrière avec les vieillards. Les amis intimes des deux jeunes gens, sous le nom de garçon franc et de fille franche, s’avancent au premier rang, et sont chargés de faire les honneurs de la noce.

Avant d’étendre la chappe sur les futurs, le prêtre bénit leur pièce d’or ou d’argent, et leur anneau. Au moment où le marié met le sien au doigt de sa femme, il s’établit une altercation plaisante. Si la jeune fille prétend à la domination dans le ménage, elle s’efforce de repousser au-delà de la seconde phalange la bague que le marié, préoccupé du soin de s’assurer l’empire, cherche à faire glisser le plus loin possible.

La cérémonie terminée, le père de l’époux ramène l’épouse au logis pendant que des cris, des coups de feu, et les sons de la musette, expriment de nouveau la joie du jour.

Lorsque les deux familles ne sont pas du même village, on charge sur des voitures attelées de bœufs couverts de rubans, le mobilier et le troussel de la mariée. Les femmes s’y placent pêle-mêle avec les meubles, et filent au fuseau pendant la route. Le cortége s’ébranle ; mais si la nouvelle épouse excite des regrets, la jeunesse du pays retarde son départ en embarrassant le chemin qu’elle doit parcourir, et à la sortie du village lui offre un bouquet.

La maison du jeune homme est fermée ; le couple s’y présente, la mère du marié lui jette par les croisées plusieurs poignées de blé, fèves, pois, etc., symbole de la prospérité qu’on lui souhaite. Bientôt la porte s’ouvre, la mère s’avance sur le seuil, et présente à sa brue un verre de vin et un morceau de pain. La jeune femme partage ce présent avec son époux, car tout entre eux va devenir commun ; puis elle est introduite dans la maison. On lui fait subir quelques épreuves ; par exemple, on pose un balai par terre en travers de la porte ; si elle est soigneuse, propre, laborieuse, elle le ramasse, le range, ou, mieux encore, balaie la chambre en présence des spectateurs. On parcourt ensuite toute la maison, ou se remet à table ; le marié n’y prend point place, mais sert tout le monde ; les honneurs sont réservés pour sa femme.

À la fin du souper, les amis communs se masquent, viennent divertir l’assemblée, et faire leurs complimens au jeune couple. C’est ce qu’on appelle aller à la poule.

Il est inutile d’ajouter que la danse est toujours un des divertissemens dont on se lasse le moins à pareille fête.




LE VAISSEAU CHINOIS.

TRADITION POPULAIRE DES MALAIS.


(La ruse peut lutter contre la force.)


Parmi les premiers souverains d’Ilinde et de Sinde, aucun n’était plus puissant que le raja Suran. Tous les rajas d’Orient et d’Occident lui rendaient hommage, excepté celui des Chinois. Cette exception, qui déplaisait beaucoup au monarque, l’engagea à lever des armées innombrables pour aller conquérir ce pays : il entra partout en vainqueur, tua plusieurs sultans de sa propre main, et épousa leurs filles, approchant ainsi à grands pas du but de son ambition.

Lorsqu’on apprit en Chine que le raja Suran était en marche avec ses soldats, et qu’il avait déjà atteint le pays de Tamsack, le raja de la Chine fut saisi d’une grande consternation, et dit à ses mandarins et capitaines rassemblés : « Le raja Suran menace de ravager mon empire ; quel conseil me donnez-vous pour m’opposer à ses progrès ? » Alors un sage mandarin s’avança. « Maître du monde, dit-il, ton esclave en connaît le moyen. — Mets-le donc en usage, répondit le raja de la Chine. » Et le mandarin ordonna d’équiper un navire, d’y charger une quantité d’aiguilles fines, mais très rouillées, et d’y planter des arbres de Cahamach et de Birada. Il ne prit à bord que des vieillards sans dents, et cingla vers Tamsack, où il aborda après peu de temps. Lorsque le raja Suran apprit qu’un vaisseau venait d’arriver de la Chine, il envoya des messagers pour savoir de l’équipage à quelle distance était situé leur pays. Les messagers vinrent questionner les Chinois, qui répondirent : « Lorsque nous mîmes à la voile, nous étions tous encore des jeunes gens, et, ennuyés d’être privés de la verdure de nos forêts au milieu de la mer, nous avons planté la semence de ces arbres. Aujourd’hui nous sommes vieux et cassés, nous avons perdu nos dents, et ces semences sont devenues des arbres qui ont porté des fruits long-temps avant notre arrivée en ces lieux. » Puis ils montrèrent quelques unes de leurs aiguilles rouillées : « Voyez, poursuivirent-ils, ces barres de fer étaient, lorsque nous quittâmes la Chine, de la grosseur du bras ; à présent la rouille les a rongées presque entièrement. Nous ne savons pas le nombre d’années qui se sont écoulées durant notre voyage, mais vous pouvez le calculer d’après les circonstances que nous venons de vous présenter. »

Les messagers rapportèrent au raja Suran ce qu’il avaient entendu. « Si le récit de des Chinois est véritable, dit le conquérant, il faut que leur pays soit à une distance immense. Quand pourrions-nous l’atteindre ? Le plus sage est de renoncer à notre expédition. » Et à la tête de son armée, il se mit en marche pour retourner dans ses états.




Coucher du soleil sous les régions équinoxiales. — À mesure que le soleil descendait vers la mer, quelques nuages apparurent brillamment colorés des plus riches reflets d’or, de pourpre et de feu, qu’il soit possible à l’imagination de concevoir, et dont l’effet était rendu plus merveilleux par le singulier contraste de l’azur foncé de la mer et du ciel ; mais ce n’était cependant encore que la première partie, et pour ainsi dire, l’avant-scène d’un plus sublime tableau. À peine le disque solaire eut-il disparu, qu’un jet immense d’un vert pâle et transparent, qu’on eût dit lancé dans l’espace par un prisme visible, vint le remplacer, et comme marquer sa route à travers les magiques ondulations de sa lumière défaillante ; ni la plume ni le pinceau ne sauraient rendre la variété de tons, d’accidens et de mouvemens que cette apparition inattendue vint répandre au milieu d’une scène déjà si magnifique. Un réseau de pierres précieuses les plus éblouissantes n’eût même rien produit qui pût s’y comparer. La nuit avait déjà succédé à ce brillant phénomène, mais l’équipage et les passagers étaient encore immobiles, les yeux tournés vers l’horizon, dans un religieux silence.




Lorsque les personnes d’un vrai mérite, lorsque les bonnes âmes se rencontrent pour la première fois, elles ne font point connaissance : on peut dire qu’elles se reconnaissent comme de vieux amis qui n’étaient séparés que par l’éloignement ou par l’inégalité des conditions.

Xavier de Maistre.




LE THÉ.


Que de livres n’a-t-on pas fait contre le thé !

Cependant le thé a forcé ses détracteurs au silence, tandis que ses enthousiastes apôtres lui ont préparé lentement