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née à Pâques, ou plutôt au samedi saint, après la bénédiction du cierge pascal. Le commencement de l’année a eu aussi lieu le 25 mars, jour de l’Annonciation.

Quoique le mois de mars ait pris son nom du dieu de la guerre, il était chez les Romains sous la protection de Minerve. Les calendes de ce mois étaient remarquables ; c’était le jour où la première fois de l’année on pratiquait plusieurs cérémonies ; on allumait un feu nouveau sur l’autel de Vesta, etc.

Ce mois était personnifié sous la figure d’un homme vêtu d’une peau de louve, parce que la louve était consacrée à Mars. Le bouc pétulant, l’hirondelle qui gazouille, le vaisseau plein de lait, symboles qui accompagnaient la figure de ce mois, signifiaient la renaissance de la nature, et le commencement du printemps.

Ce mois renferme cette année deux fêtes religieuses. La première, l’Annonciation, est communément célébrée le 25 de mars, dans l’église romaine ; néanmoins il n’en est point de même dans tous les pays chrétiens. Plusieurs églises d’Orient l’ont placée au mois de décembre.

Elle fut instituée en mémoire de la nouvelle que l’ange Gabriel vint donner à Marie, qu’elle concevrait le fils de Dieu. Le peuple l’appelle Notre-Dame de mars, à cause de l’époque où elle est solennisée. Son institution, sans être précisément connue, est fort ancienne ; il existe sur cette fête deux sermons de saint Augustin, qui mourut en 450.

La seconde, le dimanche des Rameaux, qui tombe cette année le 31 mars, commence la semaine sainte. Elle reçut son nom de l’usage établi dans les premiers siècles, de porter ce jour-là en procession, et pendant l’office, des palmes ou des rameaux d’arbres en mémoire de l’entrée triomphante du Christ à Jérusalem, huit jours avant la Pâques. Les peuples, disent les évangélistes, avertis de l’arrivée de Jésus, allèrent au-devant de lui, étendirent leurs vêtemens sous ses pas, et couvrirent le chemin de branches de palmier. Ils l’accompagnèrent jusqu’au temple en poussant des cris de joie.

Par suite de cette cérémonie, le dimanche des Rameaux est appelé dans plusieurs provinces Pâques fleuries.

La bénédiction des rameaux, en usage aujourd’hui, l’était déjà dans les Gaules au VIIe siècle.

On appelle encore ce dimanche Capitilavium, parce que c’était le jour où on lavait la tête des catéchumènes qui venaient tous ensemble demander à l’évêque la grâce du baptême, qu’on leur administrait le dimanche suivant.




MUSÉE DE 1833.

EXPOSITION DE SCULPTURES.
CHARLES VI DANS LA FORÊT DU MANS, PAR M. BARYE.


M. Barye excelle dans la représentation des animaux. Aucun sculpteur moderne n’avait jusqu’ici fait preuve d’un talent aussi remarquable dans ce genre d’imitation. On se rappelle combien firent d’impression, au salon de 1850, les différens groupes qu’il y avait exposés, notamment le combat du tigre et du crocodile ; cette année nous avons admiré un lion qui roule sous sa patte un serpent ; des mêlées de bêtes sauvages ; un jeune éléphant ; un cerf mort ; et de petits ours : celui-ci marchant gravement debout, avec un ventre de père noble, celui-là couché dans son auge, comme un enfant dans son berceau, d’autres jouant et luttant ensemble. Si nous avions voulu donner surtout une idée des qualités les plus appréciées de M. Barye, nous aurions dû choisir une de ces sculptures dont nous venons de parler ; mais nous avons cru au contraire plus intéressant de publier le groupe historique de Charles VI, qui annonce son intention d’entrer aussi à son gré, et suivant ses inspirations, dans une voie nouvelle, où, d’après cet essai, on peut affirmer qu’il ne sera pas inférieur à lui-même.

Voici les détails de l’anecdote historique qui a fourni le sujet de la sculpture.


LE FANTÔME DE LA FORÊT DU MANS. — FUREUR ET DÉMENCE DU ROI. — RÉGENCE. — ASSASSINATS. — JEANNE D’ARC.

Pendant un de ces jours de chaleur étouffante qu’on éprouve quelquefois au commencement de l’automne, Charles traversait la forêt du Mans, peu accompagné, parce qu’on s’était écarté pour qu’il ne fût pas incommodé de la poussière. Tout-à-coup un homme en chemise, la tête et les pieds nus, s’élance d’entre deux arbres, saisit la bride du cheval, et crie d’une voix rauque : Roi, ne chevauche pas plus avant ! retourne, tu es trahi ! Il retenait les rênes si fortement, qu’on fut obligé de le frapper pour le faire lâcher ; mais on ne songea ni à l’arrêter ni à le poursuivre, et il disparut. Après le premier moment d’effroi, le roi ne dit mot ; on remarqua seulement de l’altération sur son visage, et dans son corps une espèce de frémissement.

En sortant de la forêt, on entra dans une plaine de sable échauffée par un soleil ardent. Le roi n’était accompagné que de deux pages. L’un, presque endormi sur son cheval, laisse tomber négligemment sa lance sur le casque de l’autre. Le roi, au bruit aigu qui frappe son oreille, sort comme en sursaut de la rêverie où il était plongé, et croit que c’est l’accomplissement de l’avis qu’on vient de lui donner. Il tire son épée, pousse son cheval, frappe tous ceux qu’il trouve à sa rencontre, criant : Avant, avant sur le traître ! Le duc d’Orléans, son frère, veut le retenir. Fuyez, beau neveu d’Orléans ! lui crie le duc de Bourgogne, monseigneur vous veut occir. Haro ! le grand méchef ! monseigneur est tout dévoyé ! Dieu ! qu’on le prenne ! mais personne n’osait approcher le roi. Il s’était formé autour de lui un grand cercle qu’il parcourait en furieux, et chacun fuyait quand il tournait de son côté. On dit qu’il tua quatre hommes dans cet accès de frénésie. À la fin son épée se cassa, ses forces s’épuisèrent. Un de ses chambellans, nommé Guillaume Martel, prend son temps, saute sur la croupe de son cheval, le saisit ; on le désarme, on le couche sans connaissance dans un chariot, et on le ramène au Mans.

Le fantôme de la forêt est toujours resté un mystère. Les médecins, nommés physiciens alors, firent beaucoup de dissertations et de longs écrits sur les causes de la maladie du roi : tous leurs raisonnemens aboutissaient au poison et au sortilége. Un médecin de Laon, nommé Guillaume de Harcelay, tenta la guérison, mais elle ne fut jamais parfaite.

Lorsque cet évènement arriva, le roi était en marche avec la cour pour rejoindre ses troupes et forcer le due de Bretagne à livrer le baron Pierre de Craon, qui avait assassiné le connétable Clisson, dans la rue Culture-Sainte-Catherine, à Paris.

La folie du roi détourna ces préparatifs d’hostilités, mais eut des conséquences funestes sur la situation de la France. Le duc d’Orléans, frère du roi, et le duc de Bourgogne, son oncle, se disputèrent la régence, et tous deux, par suite de ce débat, furent assassinés, le premier dans la Vieille rue du Temple, à Paris, le second sur le pont de Montereau. Henri V, roi d’Angleterre, profitant de ces désordres, débarqua en Normandie. La France perdit la bataille d’Azincourt, vers Calais, et après diverses vicissitudes, en 1420, un traité donna la fille de Charles VI au roi d’Angleterre, qui gouverna jusqu’à sa mort en qualité de régent. Ce fut en grande partie Jeanne d’Arc qui délivra, sous Charles VII, la France de la domination étrangère.


LUTIN TOURMENTANT UN DRAGON, PAR M. ANTONIN MOINE.

Le sujet de cette sculpture est un lutin à cheval sur un dragon, et lui serrant les ailes pour l’empêcher de s’envoler. Cette idée sera venue à l’artiste à la suite d’une lecture de