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singulièrement influé sur sa structure, qui est mixte, et participe des différens styles gothiques affectés aux monumens des xiiie, xive, xve et xvie siècles.

La tour de Saint-Romain dont la base paraît remonter à des temps fort reculés, a deux cent trente pieds de hauteur. À l’opposite est une autre tour également haute, nommée Tour de Beurre, parce que, dit-on, elle fut bâtie des deniers payés par les habitans pour obtenir une dispense qui leur permît de faire usage de beurre pendant le carême. Dans cette tour était la fameuse cloche nommée Georges-d’Amboise, pesant trente-cinq mille livres, selon l’astronome Lalande. Le diamètre de cette cloche était de huit pieds trois pouces, selon le P. Mersenne, et la poire de son battant, qui pesait mille huit cent trente-huit livres, se voit encore à la porte d’un serrurier de Déville, près Rouen ; elle a dix-sept pouces d’épaisseur. Elle fut fondue en 1501, et sonnée en volée, par seize hommes, le 16 février 1502. On prétend que cette cloche était la seconde de l’Europe : la plus grande, qui était à Moscou, ne fut jamais élevée de terre. La cloche Georges-d’Amboise, fêlée en 1786, lors de l’entrée de Louis XVI à Rouen, a été brisée pendant la révolution et convertie en monnaie.

Intérieurement, la longueur de l’église, depuis le grand portail jusqu’au fond de la chapelle de la Vierge, est de quatre cent huit pieds ; cette chapelle en a quatre-vingt-huit, le chœur cent dix, et la nef deux cent dix. La largeur de la nef, sans y comprendre les sous-ailes ou collatéraux, est de vingt-sept pieds, et la hauteur de quatre-vingt-quatre. Les collatéraux, y compris les chapelles, ont chacun vingt-huit pieds de large et quarante-deux pieds de haut. La croisée, depuis le portail des Libraires jusqu’à celui de la Calande, est longue de cent soixante-quatre pieds. À son centre se trouve la lanterne élevée de cent soixante pieds sous clef de voûte, et soutenue par quatre grands piliers, portant chacun trente-huit pieds de tour, et composés de trente colonnes, groupées en faisceaux. Il y en a encore trente-quatre autres principaux, savoir : dix de chaque côté de la nef, à neuf pieds six pouces de distance l’un de l’autre, et quatorze pour le chœur. Ceux-ci sont de figure ronde, et ont un peu moins de diamètre que les autres ; en sorte que le chœur est d’environ quatre pieds plus large que la nef. Le vaisseau entier est éclairé par cent trente fenêtres.

En 1822, la foudre est tombée sur ce monument et en a incendié la flèche et les combles. Une notice fort remarquable a été publiée sur cet événement par M. E.-H. Langlois.

Dans la soirée du samedi 14 septembre, dit cet écrivain, de fréquens éclairs sillonnaient l’horizon dans un ciel fort nébuleux, qui, malgré la fraîcheur de l’air, menaçait d’un prochain orage ; pendant la nuit le tonnerre se fit même entendre dans l’éloignement ; mais le matin suivant, à cinq heures, au milieu d’une détonation épouvantable et d’une lueur extraordinaire, la foudre vint frapper la pointe de la pyramide de Robert Becquet, et, la circonscrivant en spirale avec son impétuosité ordinaire, parut s’abîmer dans la partie inférieure des colonnades.

L’incendie se manifesta d’abord vers la base de l’aiguille, et son foyer apparent produisait alors à peine à l’extérieur l’effet d’une petite lanterne.

Peu de momens après le coup de foudre, une foule innombrable d’oiseaux de nuit et de choucas ou corneilles de clocher s’échappèrent en grandes colonnes et en poussant de grands cris, par toutes les ouvertures des plombages et celles de la tour de pierre même.

La multitude des oiseaux qui avaient leur repaire dans ce clocher était si prodigieuse, que l’escalier de pierre qui conduisait à la flèche était dans sa partie la plus obscure encombré de leurs ossemens et de ceux dont les buses, les émouchets, etc., avaient fait leur proie. La charpente était en plusieurs endroits tapissée d’aires et de nids, et les planchers et les enrayures regorgeaient de brindilles, de paille, de foin, de coton, de laine, et d’autres matières combustibles qui durent être allumées presque simultanément par la foudre.

Un vent frais soufflait du nord-est, et paraissait acquérir à une certaine élévation un cours plus rapide.

Cependant le tocsin avertissait de toutes parts les habitans de Rouen du danger de leur métropole. Mais les progrès de l’embrasement, la hauteur immense du foyer, l’impossibilité