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un fabricant de Lyon, nommé Mathulon, qui après avoir annoncé aux géomètres et aux mécaniciens la découverte de la quadrature et du mouvement perpétuel, les défia de prouver qu’il s’était trompé, et déposa à Lyon une somme de 5 000 francs qui devait être remise à son réfutateur. M. Nicole, de l’Académie des sciences, lui démontra, sans réplique possible, qu’il déraisonnait, et demanda que les francs lui fussent adjugés. Le fier fabricant incidenta, et prétendit qu’il fallait aussi trouver la fausseté de son mouvement perpétuel : mais la sénéchaussée de Lyon ne vit pas en quoi une vérité prouvée dépendait d’une erreur à démontrer. Il perdit son procès devant elle, et Nicole céda les 5 000 francs à l’hôpital de cette ville.

Le Châtelet de Paris eut à décider sur le même point, il y a environ cinquante ans. Un homme de condition, après avoir provoqué triomphalement tout l’univers à déposer les plus fortes sommes contre la vérité de sa quadrature, consigna, par forme de défi, 10 000 francs. Il déduisait de sa solution, l’explication palpable de la trinité, et il donnait, comme évident, que le carré était le Père, le cercle, le Fils, et une troisième figure, le Saint-Esprit. De là aussi, avec une rigueur invincible, l’explication du péché originel, de la figure de la terre, de la déclinaison de l’aiguille aimantée, des longitudes, etc.

Comme on le pense bien, il y eut concurrence pour les 10 000 francs consignés ; une femme se mit sur les rangs ; elle crut qu’il ne fallait que le sens commun pour le réfuter. L’affaire fut plaidée au Châtelet, qui, cette fois, jugea que la fortune d’un homme ne devait pas souffrir des erreurs de son esprit, lorsqu’elles ne sont pas nuisibles à la société ; et le roi ordonna que les paris fussent considérés comme non avenus. Mais le tenace inventeur n’en resta pas moins persuadé que dans les siècles à venir on rougirait de l’injustice qui lui avait été faite.

L’Institut étant accablé chaque année par des paquets volumineux concernant la quadrature du cercle et le mouvement perpétuel, décida qu’à l’avenir il ne serait plus reçu aucun mémoire sur ce sujet. Cependant, il n’y a pas un an qu’il a procédé solennellement à l’ouverture d’un papier que, d’après le désir d’un auteur, on avait tenu sous le scellé pendant un grand nombre d’années, comme contenant une découverte précieuse. Cette découverte, c’était encore la quadrature.




LA TOUR-D’AUVERGNE.

Théophile-Malo Corret de La Tour-d’Auvergne, premier grenadier des armées françaises, naquit à Carhaix (Finistère), le 23 octobre 1743.

En 1767 il entra en qualité de sous-lieutenant dans la deuxième compagnie des mousquetaires ; il passa ensuite au service de l’Espagne, où il donna des preuves de la plus brillante valeur, particulièrement au siége de Mahon. Pendant une action meurtrière, il sauva la vie à un officier espagnol blessé, en le rapportant au camp sur ses épaules ; puis il revint au combat. Le roi d’Espagne lui accorda une décoration qu’il accepta, mais en refusant la pension qui y était attachée.

En 1793, âgé de cinquante ans, il comptait trente-trois années de services effectifs, et il embrassa avec ardeur le parti de la révolution. D’abord, il servit à l’armée des Pyrénées-Orientales, où il commandait toutes les compagnies de grenadiers formant l’avant-garde, et appelées colonne infernale ; presque toujours cette phalange avait décidé la victoire lorsque le corps d’armée arrivait sur le champ de bataille.

Ses loisirs étaient toujours consacrés à des méditations ou à des travaux littéraires. Appelé à tous les conseils de guerre, il fit constamment le service de général sans vouloir jamais le devenir. S’étant embarqué après la paix avec l’Espagne pour se rendre dans sa province, il fut pris par les Anglais. On voulut le forcer à quitter sa cocarde ; mais la passant à son épée jusqu’à la garde, il déclara qu’il périrait plutôt en la défendant.

Étant à Paris, à son retour en France, il apprit qu’un de ses amis, vieillard octogénaire, venait d’être séparé de son fils par la réquisition ; il se présenta aussitôt au Directoire, obtint de remplacer le jeune conscrit qu’il rendit à sa famille, et partit pour l’armée du Rhin comme simple volontaire. Il fit la campagne de 1799 en Suisse, fut élu membre du Corps-Législatif après le 18 brumaire, mais refusa de siéger, en disant : « Je ne sais pas faire des lois ; je sais seulement les défendre, envoyez-moi aux armées. » En 1800, il passa à l’armée du Rhin, et y reçut l’arrêté qui le nommait premier grenadier de l’armée française. Dans le combat de Neufbourg, il tomba percé au cœur d’un coup de lance le 28 juin 1800. Toute l’armée regretta ce vieux brave qu’elle aimait à nommer son modèle. Son corps, enveloppé de feuilles de chêne et de laurier, fut déposé au lieu même où il fut tué. On lui éleva un monument sur lequel on grava cette épitaphe : La Tour-d’Auvergne. On sait que son cœur embaumé était précieusement conservé par sa compagnie, et qu’à l’appel, le plus ancien sergent répondait au nom de La Tour-d’Auvergne : Mort au champ d’honneur !

La bravoure de La Tour d’Auvergne était devenue proverbiale ; mais cette précieuse qualité est tellement française, qu’elle ne suffit pas aujourd’hui pour tirer un homme de la foule. Si La Tour-d’Auvergne n’avait été qu’un courageux soldat, il n’eût pas brillé de tout l’éclat qui l’environne. Une qualité plus rare le fit surtout remarquer, c’est son inaltérable amour de la patrie, la sensibilité de son âme, l’indépendance de son caractère et son désintéressement.

« J’ai près de 800 livres de rente, quelques livres, mes manuscrits, de bonnes armes, disait-il ; c’est beaucoup pour un grenadier en campagne ; c’est assez pour un homme qui ne s’est pas fait de besoins dans sa retraite. »

Le prince de Bouillon, qui avait obtenu par le crédit de La Tour-d’Auvergne la restitution de ses biens, lui offrit une terre à Beaumont-sur-Eure, rapportant 10 000 livres de rente ; mais le modeste guerrier refusa, ne voulant point mettre de prix à ses services. La famille de La Tour-d’Auvergne était une branche bâtarde de celle de Bouillon.

Un député lui vantait son crédit, et lui offrait sa protection : « Vous êtes donc bien puissant ? lui dit La Tour-d’Auvergne, qui se trouvait alors dans le plus grand dénuement. — Sans doute. — Eh bien ! demandez pour moi… — Un régiment ? — Non ; une paire de souliers. »

La Tour d’Auvergne a publié les Origines gauloises, ouvrage plein d’érudition et d’originalité. La mort l’a empêché de publier un Dictionnaire polyglotte, où il comparait quarante-cinq langues avec le bas-breton ; il l’avait mis au net avant son dernier départ pour l’armée du Rhin.


L’IGUANE.

Les naturalistes ont réuni, sous la dénomination d’iguane, une portion de la nombreuse tribu des lézards, et ils en ont formé un genre subdivisé en espèces presque toutes confinées entre les tropiques. Quelques uns des caractères de ce genre établissent des analogies entre les iguanes et les caméléons : changement de couleur dans certaines circonstances, corps aplati, gorge renflée. Mais les iguanes sont très lestes, et vivent presque toujours sur les arbres ; ils ont une queue très longue, très déliée, et leurs pattes sont armées de griffes pour grimper : les caméléons ne quit-